vendredi 31 mai 2019

Sorcières, Mona Chollet

J'ai cet essai sur le féminisme depuis un petit bout de temps à la maison, et j'avoue le lire depuis autant de temps. Disons que j'y suis allée en douceur avec lui après ma lecture en plus que demi-teinte de la seconde partie du Deuxième Sexe de Beauvoir (certains thèmes étant commun aux deux). 

Sorcières, Mona Chollet

Editeur : Zones
Collection : 
Année de parution :2018
Nombre de pages : 256

A lire si : 
- Vous voulez un essai sur le féminisme français et moderne.
- Vous voulez des propos parfaitement documentés

A ne pas lire si : 
- Vous vous attendez à une histoire de la sorcellerie (pour ça, je vous propose Sorcières ! de Julie Proust Tanguy)


Présentation de l'éditeur :

Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d'aujourd'hui de figure d'une puissance positive, affranchie de toutes les dominations.
Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure de la sorcière. Elle est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ?
Ce livre explore trois archétypes de la chasse aux sorcières et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante – les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant – l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d'horreur.
Mais il y est aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.


Mon avis

J'ai déjà lu un livre avec pour titre, Sorcières !, celui de Julie Proust Tanguy, qui avait déjà une dimension féministe vu qu'il porte sur l'histoire de la sorcière. Si je parle de cet essai avant de parler de celui de Mona Chollet, c'est bien parce que le second m'a rappelé le premier et pas seulement par le titre. Mais attention, dans Sorcières, la puissance invaincue des femmes, l'autrice ne parle pas que du mythe de la sorcière, ni même que de sorcières. Pourtant, ils ont un point commun : la chasse aux sorcières, la chasse aux femmes savantes. Et ce point commun mène forcément au combat du féminisme actuel.

Dans Sorcières, Mona Chollet va parler féminisme. Ou plutôt des femmes, de leurs corps, de ce qu'elles en font, de leur choix. Le livre résume d'ailleurs de manière plutôt bonne le fameux "mon corps, mes choix". Il a cette modernité qu'il manque maintenant à Beauvoir (qui écrivait avec le prisme de son époque qui a évolué (pas toujours en bien, on va l'avouer)). C'est assez important pour moi, vu que certain point de Beauvoir m'avait légèrement irisé (la Lesbienne, les passages sur les mères). Mais je ne suis pas là pour comparer les deux textes, donc, revenons à Sorcières.

Après une introduction sur les femmes qui ont marqué Mona Chollet, nous voilà embarquer dans les conséquences de la chasse aux sorcières. Une chasse que l'on retrouve (en moins sanglant souvent) encore à notre époque. La première partie va se consacrer à la femme indépendante, celle qui n'a pas besoin d'homme dans sa vie, celle qui n'est pas mariée, celle qui travaille, la seconde parlerait des femmes sans enfants, de celle qui ont fait le choix de ne pas en avoir, de celles qui ne peuvent pas non plus, la troisième parlera de la vieille femme. Trois thèmes importants qui se répondent finalement pas mal et surtout qui ont à voir avec la chasse aux sorcières qu'elles soient passés ou présentes. Parce que oui, les trois types de femmes présentées sont bien celles qui ont été le plus souvent chassé, ce sont aussi celles qui sont le plus souvent ciblé par le patriarcat de nos jours. 

J'ai vraiment aimé lire ces trois parties. Parce qu'elle remettait la femme à sa place, celle que le patriarcat tente (et réussit souvent) de lui prendre. Mais surtout, je me suis reconnue dans ces femmes décrites dans ce livre, moi qui suis mariée, avec enfant et jeune (tout le contraire donc de ce que semble décrire l'essai). Surtout, le livre n'est pas culpabilisant pour les femmes dans mon cas (ce que je n'avais pas trouvé chez Beauvoir où la femme mariée avec enfant sans prend quand même plein la gueule, hein). Toutes les femmes se retrouvent dedans. Il n'a pour moi vocation à mettre de côtés celles qui ne rentrent pas dans les trois "cas" (je sais pas comment dire ça, cas n'est pas le mot approprié mais je trouve pas mieux) de l'essai. 

La vision de Mona Chollet est nourrie par d'autres femmes, d'autres auteurices aussi. Du coup, tout est documenté, elle ne part pas de rien pour en arriver à ses conclusions. Bien qu'émaillé de très nombreuses références, l'essai reste parfaitement clair. Il est d'ailleurs appréciable de voir que l'autrice s'appuie autant sur des textes modernes (Starhawk, le livre l'Apparition de Sophie Fontanel...) que sur des textes plus anciens (la Sorcière de Michelet par exemple). Bon par contre, j'ai une wishlist féministe qui a pas mal grandi.

Là où je le trouve vraiment intéressant c'est dans le parallèle avec les chasses aux sorcières et dans la manière dont il démontre que celles-ci continuent bien de nos jours. La toute dernière partie, celle sur le corps et les violences faites à celui-ci (violence médicale par exemple) est particulièrement parlante à ce niveau. Le patriarcat est toujours autant présent dans notre monde et malheureusement pour nous, il semble avoir encore de beaux jours devant lui. Pourtant, nous finissons l'essai sur du positif, avec un mouvement #metoo apparu l'année précédent l'apparition de Sorcières (mais pour lequel nous voyons déjà les limites, il n'y a qu'à voir le procès de Sandra Muller suite à #balancetonporc (où un avocat ose invoqué la drague lourde et qui se mue petit à petit en procès du mouvement, plaçant les femmes en position de menteuse et j'en passe...)(très envie de vomir quand je lis tout ce qui se raconte là-dessus)), une sororité qui s'accentue un peu plus mais surtout, des femmes qui s'affirment de plus en plus et qui se battent contre le sort qu'on aimerait bien leur réserver.

Au final, j'ai beaucoup aimé cet essai. Il est agréable à lire (pas de lourdeur, un langage "contemporain"...), fait beaucoup réfléchir sur la place des femmes, quelle qu'elles soient. J'avoue qu'il m'a beaucoup plus parler que le Deuxième Sexe parce que plus moderne. Il faut le mettre entre toutes les mains et pas que féminine. A lire, vraiment.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire