mercredi 30 mars 2022

Les Bracelets des Larmes, Fils-des-brumes, cycle 2, tome 3 Brandon Sanderson

 Il était temps de retrouver Wax et Wayne dans le dernier livre sorti de leur cycle (dire qu'il va falloir attendre maintenant pour avoir le dernier tome de la trilogie (je rappelle pour ceux qui sont un peu à la traine que l'Alliage de la Justice n'est pas vraiment le premier tome mais un tome de présentation et que officiellement, il ne fait pas partie de la trilogie, bref, c'est compliqué)

Les Bracelets des Larmes, Fils-des-brumes, cycle 2, tome 3 Brandon Sanderson

Editeur : Le livre de poche
Collection : Fantasy
Année de parution : 2019
Titre en VO : The Bands of Mourning : A Mistborn Novel
Année de parution en VO : 2016
Nombre de pages : 921

A lire si :
- Vous avez aimé la trilogie Fils-des-Brumes
- Vous aimez les ambiances Steampunk
- Vous voulez un héros qui ne soit pas jeune

A ne pas lire si :
- Vous voulez retrouver les héros de la trilogie originelle

Présentation de l'éditeur : 

Les Bracelets des Larmes… On dit que ces cerveaux métalliques du Seigneur Maître pourraient transmettre leurs pouvoirs à ceux qui les portent. Des chimères auxquelles personne ne croyait, jusqu’à ce qu’un chercheur kandra revienne à Elendel avec des images représentant les Bracelets ainsi que des écrits indéchiffrables.
Dans les Villes externes, la révolte contre Elendel gronde. Wax Ladrian, accompagné de Wayne, Marasi et Steris, se rend à La Nouvelle-Seran pour essayer de découvrir qui en sont les instigateurs. Edwarn, l’oncle dont Wax n’a eu aucune nouvelle depuis vingt ans, ne semble pas étranger à cette affaire, d’autant qu’il retient prisonnière sa sœur, Telsin. Que mijote-t-il ? Et quelles sont les véritables intentions de la mystérieuse organisation connue sous le nom du Cercle ?
La course pour les Bracelets des Larmes ne fait que commencer…
[Ce livre contient également en bonus la nouvelle "Histoire Secrète"]

Mon avis

Le roman a l'air d'être un bon petit pavé avec ses 921 pages. En réalité, il n'en fait que 600 et quelques. Le reste, c'est la novella Histoire Secrète qui se déroule durant le premier cycle. Du coup, je vais partager l'avis en deux et je vais SPOILER (surtout sur la novella je pense). Je préfére donc vous prévenir. 

On commence par Les Bracelets des Larmes, qui commence d'ailleurs sur les chapeaux de roues avec le mariage de Wax et Steris. Un mariage qui n'aura finalement pas lieux vu que, forcément, une catastrophe va arriver. Alors que notre garde-loi compte bien découvrir qui a mit fin à la cérémonie, il se retrouve embarqué par les Kandras vers totalement autre chose ; l'un d'eux aurait trouvé les Bracelets des Larmes, les cerveaux métalliques du Seigneur Maitre. Malheureusement, il a aussi perdu l'une de ses tiges et a perdu la mémoire sur ce qu'il a pu se passer. Wax, Wayne, Marasi, Melaan et Stéris embarquent donc pour la Nouvelle-Seran à la recherche de la tige de l'explorateur. Ils ne tarderont pas à découvrir que le Cercle et donc l'oncle de Wax sont impliqués dans cette étrange histoire.

J'ai adoré ce tome et, ça, pour beaucoup de chose. La première, ce sont les personnages. L'alchimie entre eux fonctionne tellement bien que c'est un réel plaisir que de suivre le petit groupe. On sait déjà depuis un moment que Sanderson est fort à ce petit jeu, il le prouve encore une fois (purée, tu le sens déjà que je vais pas être objective...). Surtout, il arrive toujours à nous surprendre avec eux. Ainsi, on a une Stéris qui prend de plus en plus d'ampleur et d'assurance dans le groupe alors même qu'elle se considère comme plutôt inutile (Stéris, je crois bien que c'est le perso que je préfère avec Wayne). Mais il n'y a pas qu'elle. Comme toujours Wax et Wayne sont un duo parfait, bien qu'on les voit moins souvent ensembles sur ce tome. A la place, on a une Marasi qui navigue entre les deux et qui trouve sa place dans ce duo pourtant bien soudé. Elle ajoute une nouvelle dynamique, perd totalement son coté demoiselle en détresse (Stéris aussi pour mon plus grand plaisir) et fait réellement avancer le tout. Je suis toujours ravie de voir quand Sanderson met ce genre de personnage en avant. Leur évolution est souvent bien plus intéressante que celle du personnage principal (Marasi me faisait un peu penser à Spectre en fait)

Ensuite, on retrouve aussi l'aspect plus "Indiana Jones" et western que l'on pouvait déjà avoir vu dans l'Alliage de la Justice. Franchement, Sanderson se fait plaisir avec une attaque de train par exemple, une visite nocturne dans un cimetière et un temple maudit. Ca vous a l'air gros ? Ca l'est. Mais je reste persuadé que l'auteur écrit cette trilogie-là pour se faire ultra plaisir en fait. Vous savez ce qu'il se passe dans ces cas-là ? Ben le lecteur aussi prend plaisir à la lire. J'avais un peu peur du mélange, surtout vers le milieu du roman (où certaines connexions avec d'autres romans du Cosmere apparaissent en fait) et en fait, tout se passe à merveille (oui, enfin, si on veut, parce que je ne suis pas sûre qu'on puisse dire ça pour les personnages hein). Je ne me suis pas ennuyée une seule minute et j'avais envie de rester dans cet univers que j'apprécie tant encore un peu. 

Et pourtant, ce n'est toujours pas un coup de cœur comme avait pu l'être le premier cycle. La faute à je ne sais trop quoi. Peut-être parce que je suis trop attachée au premier cycle. Ca reste une très très bonne lecture et franchement, il faut vraiment découvrir ce cycle.

Passons à présent à la novella. 
Attention : Je spoile à mort (le premier cycle, le second, Roshar y passe aussi). Alors du coup, si vous voulez pas vous voir divulgacher des parts importantes du premier cycle, passez votre chemin. 

Déjà, il faut vraiment avoir lu le premier cycle pour lire la novella. On y suit Kelsier durant les évènements des tomes deux et trois, du coup, on découvre certains points importants de ceux-ci (en gros, les morts de la bande, celle du Seigneur Maitre, l'invasion des Koloss, Fadrex, Urteau et j'en passe). Kelsier est mort, vaincu par le Seigneur Maitre (évènement qui m'aura traumatisé lors de mes lectures du premier tome, j'aime tellement Kell). Mais Kelsier étant ce qu'il est, il ne va pas se laisser faire. Accueilli au porte du royaume des morts par un Sauvegarde encore à peu prés veillant, il va faire des siennes. Le monde qu'il souhaitait n'est toujours pas là et il n'a pas envie d'abandonner. Alors, il refuse de mourir. Malheureusement, il ne peut réintégrer son corps. Que cela ne tienne, enfermé dans le puit de l'Ascension, il va chercher un moyen de se sortir de là et pourquoi pas, d'aider Sauvegarde contre Ravage. Voilà donc notre Kelsier, lâché en plein royaume cognitif de Scadrial (l'équivalent du Shadesmar de Roshar), découvrant à la fois l'existence du Cosmere tout entier (même s'il n'y voyage pas) et la fin prochaine de Scadrial. Une fin qu'il refuse autant que Vin dans le monde réel. 

Alors, oui, j'ai adoré la novella. Parce que Kelsier, déjà. J'aime le personnage, j'aime son opiniâtreté, j'aime son caractère. Par contre, si vous ne l'aimez pas dans le premier tome de Mistborn, passez votre chemin. On ne voit que lui ou presque. Je savais déjà (merci Roshar) qu'il avait "survécu" d'une manière ou d'une autre à sa mort. Là, on apprend comment et surtout ce qu'il a pu faire tandis que de son côté Vin libérait Ravage de sa prison puis lui foutait sa raclée. On en découvre ainsi bien plus sur Sauvegarde et Ravage qu'en suivant Vin dans les tomes de la trilogie, surtout sur Sauvegarde en fait. On croise aussi des personnages d'autres planètes (dont je n'ai pas encore lu les aventures)(enfin, pas tout à fait, parce qu'on croise Khriss dans les Bracelets des Larmes et que Nazh apparait dans Roshar par exemple) ou ce cher Hoid, toujours dans les bons coups (si on veut). Ce qui est génial, surtout, c'est de retrouver les connexions entre ce qu'il fait, les évènements des tomes deux et trois du premier cycle et certains dans Les Bracelets des Larmes. Quand on lit, ça parait tellement mais tellement évident.

Au final, j'avoue que oui, j'ai peut-être bien pris plus de plaisir à lire ces quelques deux cents pages que les précédentes. Surtout, ça m'a permis d'éclairer deux trois points encore un peu flou pour moi concernant Scadrial (il m'en manque quand même, mais comme Kell apparait aussi dans une partie de Roshar que je n'ai pas encore lu, j'aurais peut-être plus de réponse quand Rythme de Guerre sortira en poche). J'espère qu'on aura d'autres tomes des histoires secretes histoire de savoir ce qu'il se passe après pour lui.

jeudi 24 mars 2022

L'ombre du pouvoir, le Bâtard de Kosigan, Fabien Cerutti

 J'ai ce roman depuis un petit moment dans ma PAL (ceci est probablement la phrase que je sors le plus souvent avec ses variantes)(faut que je vide la PAL, mais vraiment). J'ai profité (tout comme pour Circé en fait) du challenge SFFF de cette année pour le lire.

L'ombre du pouvoir, le Bâtard de Kosigan, Fabien Cerutti

Editeur : Mnemos
Collection : Icares
Année de parution : 2014
Format : AWZ

A lire si : 
- Vous aimez les tournois médiévaux
- Vous aimez avoir un héros qui se sort de toutes les situations
- Vous voulez de l'espionnage sauce médiéval fantasy

A ne pas lire si 
- Vous n'aimez pas quand ça semble bien trop facile

Présentation de l'éditeur : 

Le chevalier assassin, Pierre Cordwain de Kosigan, dirige une compagnie de mercenaires d’élite triés sur le volet. Surnommé le « Bâtard », exilé d’une puissante lignée bourguignonne et pourchassé par les siens, il met ses hommes, ses pouvoirs et son art de la manipulation au service des plus grandes maisons d’Europe.
En ce mois de novembre 1339, sa présence en Champagne, dernier fief des princesses elfiques d’Aëlenwil, en inquiète plus d’un. De tournois officiels en actions diplomatiques, de la boue des bas fonds jusqu’au lit des princesses, chacun de ses actes semble servir un but précis.
À l’évidence, un plan de grande envergure se dissimule derrière ces manigances. Mais bien malin qui pourra déterminer lequel…

Mon avis

Quand j'ai commencé à lire l'Ombre du pouvoir, j'ai eu comme un doute. Le premier chapitre ne m'a pas vraiment plu. IL y avait un truc. Soit j'étais encore un peu trop dans la lecture précédente (à savoir le génial Ceux qui restent de Sophie Castillo), soit le style passait mal. Sur le coup, je me suis dis que c'était le style. On se trouve à lire les mémoires du chevalier Pierre Cordwain de Kosigan, donc texte à la première personne, détaillé et surtout avec un narrateur qui ne se prend pas pour une merde. Je serre un peu les dents. Je n'ai pas l'habitude de lâcher un roman aussi vite et puis j'ai tellement entendu du bien de ce roman que je continue. Et j'ai eu raison. Parce que même si parfois j'ai eu du mal avec l'égo plutôt développer de notre chevalier, je dois bien dire que j'ai vraiment apprécié ma lecture.

Passé ce premier chapitre, je me suis un peu plus immergée dans l'histoire que nous conte Cerutti. J'ai alors découvert une histoire d'espionnage où notre Bâtard (qui est à la fois sa condition mais aussi son titre de guerre) et ses mercenaires vont devoir jouer des coudes pour arriver à leur fin. C'est ainsi donc que nous allons assister au tournoi de la Saint-Rémi qui se déroule à Troyes, capitale de la Champagne en ce mois de novembre 1339. La comtesse doit désigner à la fin de celui-ci le futur époux de sa fille, Solenne. Elle a le choix entre deux prétendants, l'un pour le royaume de France, l'autre pour le duché de Bourgogne. Vont se jouer alors les intrigues politiques que l'on s'image entre les deux belligérants. Auxquels on peut ajouter ceux qui ne seraient pas contre l'une ou l'autre des factions. Oui, lecteur, tu as bien compris ce qui a fait que j'ai clairement tenu et que je me suis même éclatée à lire ce roman : Intrigues Politiques. Vous savez que j'adore ça, j'en parle assez souvent. Je préfère d'ailleurs ça à de grosses bonnes batailles (même si je suis pas contre non plus). Et là, je suis en plein dedans. Alors, oui, j'ai adoré. 

Il faut dire que Cerutti n'y va pas de main morte. On se retrouve avec une tonne de secret, des complots à tout va et un Bâtard absolument pas apprécié par la plupart des camps présents. Il faut dire que Kosigan mène sa barque depuis un petit moment un peu partout dans le monde et qu'il ne semble pas capable de se faire beaucoup d'amis. Grace à ça, l'auteur est capable de nous perdre dans les alliances des uns et des autres. Franchement, j'ai adoré me perdre dans les alliances que lient petit à petit Kosigan. Il faut un moment avant de voir se dessiner un véritable schéma et encore, je dois bien dire que je n'ai pas vu passer certaines choses. On ajoute à ça un tournoi avec des épreuves bien méchantes où une fois encore, les intrigues font beaucoup et un mélange médiéval-fantasy à elfe des plus plaisants. Du pur plaisir.

Mais soyons d'accord, j'ai beau avoir adoré ça, il y a des choses que je n'ai pas aimé. La première, clairement, c'est le traitement des femmes dans le roman. Kosigan les voit comme des proies, justes bonne à se pâmer à et satisfaire monsieur. Sur ce point, on retourne à la fantasy que je n'aime pas des masses, celle où les femmes ne servent à rien ou presque. Il me semble que l'auteur est revenu sur ce point et s'en est excusé, c'est tout à son honneur. Ensuite, Kosigan est trop parfait. Le gars a toujours un coup d'avance, il est capable de se soigner en moins de deux, et en plus de ça, il a donc un égo surdimensionné. Pourtant, à côté de ça, il a des défauts (son égo déjà) mais ils sont presque effacés. C'est trop simple, trop facile. Ok, c'est un connard fini la plupart du temps mais même ça, c'est trop parfait en fait. 

Et puis, il y a la correspondance de Kergaël de Kosigan, qui n'est autre que le lointain descendant de Pierre. C'est un truc à double tranchant ça. Déjà parce qu'il faut que les deux temps de la narration arrive à cohabiter sans que l'un ne dévoile ce qu'il se passe dans l'autre. Sur ce point, on est plutôt bien. Le truc, c'est que je trouve que Kergaël n'en dit pas assez. Le lien entre les deux lignes temporelles n'est pas assez francs. Après, est-ce que cela vient du fait que ce n'est que le premier tome d'une série qui en compte tout de même trois de plus ? Mais moi, j'aurais voulu en savoir plus sur ce descendant (ben oui, moins tu m'en donnes, plus je veux savoir, moi).

Alors au final, ça donne quoi le Bâtard de Kosigan ? Ca donne un roman qui se lit ultra bien, avec moultes péripéties comme je les aime, un protagoniste que j'ai aimé et qui en même temps n'a pas arrêté de me faire lever les yeux au ciel et une grosse envie de continuer un bout de chemin avec lui. C'est marrant quand même, parce que la plupart de ses défauts sont rédhibitoires chez moi et pourtant, là, j'ai envie de continuer. Je crois, du coup, que Cerutti a fait fort avec son personnage et son histoire. 

mardi 22 mars 2022

Circé, Madeline Miller

 Circé a fait pas mal de bruit à sa sortie et j'avais très envie de voir ce qu'il donnait. Le fait qu'il soit dans les recommandations de ce mois-ci pour le challenge SFFF 2022 m'a poussé à le sortir de la PAL où il se trouve depuis décembre.

Circé, Madeline Miller

Editeur : Pocket
Collection : 
Année de parution : 2019
Titre en VO : Circe
Année de parution en VO : 2018
Nombre de pages : 549

A lire si 
- Vous aimez les réécritures de mythe
- Vous voulez une vision féminine de Circé

A ne pas lire si :

Présentation de l'éditeur :

Helios, dieu du soleil, a une fille : Circé. Elle ne possède ni les pouvoirs exceptionnels de son père, ni le charme envoûtant de sa mère mais elle se découvre pourtant un don : la sorcellerie, les poisons et la capacité à transformer ses ennemis en créatures monstrueuses. Peu à peu, même les dieux la redoutent.
Son père lui ordonne de s'exiler sur une île déserte sur laquelle elle développe des rites occultes et croisent tous les personnages importants de la mythologie : le minotaure, Icare, Medée et Ulysse....
Mais cette existence de femme indépendante et dangereuse inquiète les dieux et effraie les hommes. Pour sauver ce qu'elle a de plus cher à ses yeux, Circé doit choisir entre ces deux mondes : les dieux dont elle descend, les mortels qu'elle a appris à aimer.

Mon avis

Comme je le disais, Circé a beaucoup fait parler de lui. Il s'est rapidement vu coller une étiquette de livre féministe, puisqu'il dépend la vie d'une sorcière et qu'en plus de cela, il est écrit par une femme. Ce sont de très bons arguments, on ne va pas se mentir. Surtout que jusqu'à maintenant, aucune femme n'avait repris le mythe de Circé. On ne connait la magicien qu'à travers des yeux masculins (exception faite, il me semble, d'un poème de Margaret Atwood) et surtout qu'à travers le mythe d'Ulysse où elle n'est pas vraiment mise à son avantage. Il était donc temps qu'elle devienne héroine de sa propre histoire.

Une histoire plutôt banale en fait niveau mythologie grecque. Circé est née des amours d'Hélios et d'une nymphe, plus précisément d'une Océanide, Persé. Elle est l'ainé des enfants que son père aura avec sa mère, à savoir Persés, Pasiphaé et Æetes. Si ses frères et sœur semblent bien avoir des pouvoirs quelconques, Circé, elle ressemble plus à une humaine. D'ailleurs, elle en a la voix. Dénigrée, elle grandit un peu à l'écart jusqu'à sa rencontre avec Prométhée. Une rencontre qui sera déterminante pour elle. Puis, un jour, folle de jalousie de se voir ravie l'homme qu'elle pense aimer par Scylla, elle va enfin développer ses pouvoirs de sorciers et transformer la nymphe en monstre. A partir de là, elle est bannie sur Æeae où va vraiment commencer sa vie. A travers Circé, nous allons redécouvrir plusieurs mythes. Celui du Minotaure, fils de sa sœur Pasiphaé, où nous découvrirons Dédale et Ariane, celui de Scylla, bien entendu, on verra aussi Médée, la fille d'Æetes et Jason et bien entendu, puisqu'il faut en passer par là, Ulysse. Chacun d'eux va la faire grandir et réfléchir à son statue, que se soit celui de femme ou celui de sorcière (surtout que les deux sont liées). 

A vrai dire, j'ai beaucoup aimé le roman jusqu'à ce qu'arrive Ulysse dans la vie de Circé, soit à peu prés à la moitié de celui-ci. Jusqu'à là, la sorcière réussit à faire ses propres choix, même quand elle se retrouve obligée de retrouver sa sœur pour la faire accouchée du Minotaure. Un passage fort appréciable d'ailleurs que celui-ci. Pasiphaé a bien compris comment fonctionne le monde, à l'inverse de sa sœur (faut dire qu'elle n'est pas exilée seule sur une île aussi). De part sa nature divine et ses pouvoirs de sorcières, la reine de Crète a pris les rênes, fait comprendre à son époux qui porte la culotte (elle a fait en sorte qu'il tue ses maitresses pendant l'acte…) et se permet de mener la vie qu'elle entend malgré son mariage arrangé. La preuve, elle donne bien naissance au Minotaure et le garde alors même qu'il s'agit d'un monstre. Si les méthodes de Pasiphaé sont discutables, elle n'en est pas moins lucide sur son sort et sur la manière dont elle peut prendre le contrôle. Circé n'approuve pas la méthode, sa sœur étant bien cruelle avec son entourage, mais elle entrevoit la manière dont elle peut vivre sa vie loin de son père et des hommes. Sa rencontre avec Médée nous prouve alors qu'elle a assimilé sa place de sorcière, mais aussi, et surtout, la peur que les hommes éprouvent contre elle. Circé est puissante, tout comme l'est Médée. Dangereuse, les hommes vont tout faire pour les mettre dans les rangs et si elles ne s'y plient pas, c'est la mise à l'écart, la chasse aux sorcières et tout ce qui va avec (en gros, dans la mythologie, Médée tue et ensorcèle pas mal de monde pour les beaux yeux de Jason qui finira par la répudier pour en épouser une autre. Elle retournera auprès de son père par la suite, on ne sait pas trop comment elle finit sa vie). 

Et puis arrive Ulysse. Dans les mythes, lorsqu'Ulysse débarque avec ses hommes, elle transforme l'équipage en cochon mais, leur capitaine, aidé par Hermès, déjoue ses plans et la menace. Pour sauver sa peau, elle accepte de coucher avec lui et de rendre leur humanité aux hommes. Il restera un an avec elle avant de foutre le camp pour Ithaque, non sans passer par l'île de Calypso où il restera sept ans dans les bras et le lit de la nymphe (tandis que Pénélope attend son retour…). Ici, Madeline Miller change le cours de l'histoire. Circé transforme bien les hommes d'Ulysse en cochon mais elle ne le laisse pas entrer direct dans son lit encore moins sous la menace d'une arme. Mais le truc, c'est qu'on commence la partie "femme" de Circé après avoir vu celle de la sorcière. Or, la femme perd beaucoup par rapport à la sorcière. C'est à partir de là que j'ai eu non du mal, mais quelques déceptions. Parce que Circé se comporte finalement de manière attendue, je dirais. Il faut attendre le départ d'Ulysse pour la retrouver sorcière. A partir de là, l'autrice évoquera une maternité plutôt mal vécu pour finalement donner une mère des plus protectrices (mais bon, y a Athéna en face qui menace la vie du fils de Circé), puis on trouvera une autre figure de la femme, en la personne de Pénélope.

En fait, Circé, ce n'est pas juste la vie de la sorcière, c'est surtout une représentation des femmes en sa personne, celle de Scylla, Pasiphaé, de Médée et de Pénélope. C'est réellement en mettant les vies de ses femmes en parallèles que l'on retrouve l'aspect féministe du roman. Si l'on ne prend que notre amie Circé, on se rend vite compte des limites de celle-ci. C'est vraiment avec les autres femmes qu'elle va croiser, même Scylla d'ailleurs, que le portrait se fait. Parce qu'avant d'être juste l'histoire de Circé, le roman est celui des femmes de l'antiquité. Madeline Miller leur offre une place de choix et surtout permet enfin d'en faire autre chose que des personnages secondaires. Elles prennent le devant de la scène et le font chacune à leur manière. Franchement, c'est vraiment ça que j'ai aimé dans le roman. Toutes ont dû supporter les affres d'un destin commandé par les dieux et font en sorte de reprendre le cours de leur vie, d'en redevenir maitresse. Cette pluralité fait la force du roman.

Alors, pour finir, oui, j'ai apprécié ma lecture. Je l'ai trouvé intéressante, assez moderne aussi. Le style est clair, parfait pour ce genre d'épopée. L'histoire s'en tient beaucoup aux mythes, l'autrice ne s'autorisant que quelques libertés mais franchement, ce niveau, ce n'est pas bien grave. Je déplore juste que la partie Ulysse soit si longue et qu'elle casse une partie du discours que l'on a pu lire avant (juste avant Circé est tout de même violée, un passage qui n'est finalement qu'évoqué pour expliquer pourquoi elle transforme les hommes en cochon). Cela reste une lecture passionnante à classer, effectivement, du côté féministe de la bibliothèque. Enfin, maintenant, je suis curieuse de lire son Chant d'Achille qui met en avant Achille et Patrocle.

lundi 21 mars 2022

Le regard, Ken Liu

 En passant à la médiathèque, j'ai vu qu'il avait un autre Une heure Lumière (du coup, j'ai lu les deux seuls qu'ils avaient apparemment) et donc, je me suis empressée de le prendre (alors que j'ai déjà une PAL monstrueuse en ce moment...)(Du coup, je ne prends que des BD et . L'avantage, c'est que ça se lit toujours vite.

Le regard, Ken Liu

Editeur : Le Bélial'
Collection : Une heure lumière
Année de parution  : 2017
Titre en VO : The Regular
Année de parution en VO : 2014
Nombre de pages : 93

A lire si :
- Vous aimez les novellas
- Vous voulez un policier efficace

A ne pas lire si : 
- Vous aimez quand les enquêtes durent.

Présentation de l'éditeur : 

DEMAIN…
Dans son registre, celui de l’investigation, Ruth Law est la meilleure. D’abord parce qu’elle est une femme, et que dans ce genre de boulot, on se méfie peu des femmes. Parce qu’elle ne lâche rien, non plus, ne laisse aucune place au hasard. Enfin, parce qu’elle est augmentée. De manière extrême et totalement illégale. Et tant pis pour sa santé, dont elle se moque dans les grandes largeurs — condamnée qu’elle est à se faire manipuler par son Régulateur, ce truc en elle qui gère l’ensemble de ses émotions, filtre ce qu’elle éprouve, lui assure des idées claires en toute circonstance. Et surtout lui évite de trop penser. À son ancienne vie… Celle d’avant le drame…
Et quand la mère d’une jeune femme massacrée, énuclée, la contacte afin de relancer une enquête au point mort, Ruth sent confusément que c’est peut-être là l’occasion de tout remettre à plat. Repartir à zéro. Mais il faudra pour cela payer le prix.
Le prix de la vérité libérée de tout filtre, tout artifice. Tout regard…

Mon avis

J'ai beaucoup aimé L'homme qui mit fin à l'histoire, lu en décembre. Du coup quand j'ai vu ce second Une heure lumière de l'auteur, je n'ai pas beaucoup hésité à le prendre. Cette fois, nous voici avec un texte de de SF mettant en scène une détective privée. On y trouve une petite ambiance année 50 mais dans un futur plus ou moins proche où les humains peuvent être augmentés.

Ruth Law est donc détective privée et elle bosse bien. Il faut dire que grâce à son régulateur, elle travaille avec la tête froide, celui-ci annihilant toute émotions de sa part. Ses améliorations, faite de manière illégales, lui permettant d'être plus forte, de ne rien lâcher et de tout voir de manière froide et logique. Surtout, son régulateur lui permet de ne plus penser à ce qu'il a pu se passer avant. Lorsque la mère d'une jeune prostituée, tuée puis énuclée, vient la voir pour trouver l'assassin de sa fille, elle n'hésite pas beaucoup pour prendre l'affaire. Déjà parce que la fille, une asiatique, a vu son meurtre rapidement classé, ensuite parce que malgré le Régulateur, quelque chose lui dit que c'est peut-être l'occasion de repartir de zéro d'une manière ou d'une autre.

En moins de 100 pages, nous voilà donc happé dans l'histoire de Ruth. C'est l'une des grandes forces de l'auteur, réussir à écrire une histoire courte et prenante. Surtout, ici, on retrouve deux thèmes particuliers. D'abord, celui du "non métissage" des populations chinoises (et asiatiques) aux USA. Parce que la victime est chinoise, son affaire a été rapidement classé en querelle de gang venant de Chinatown. Les policiers ne sont pas allés bien plus loin vu son ethnie et sa profession (elle aurait été afro-américaine que ça aurait sûrement été pareil d'ailleurs). Ruth, elle, est métisse, elle peut vivre dans les deux mondes et a choisi de poser son bureau à Chinatown où elle est tolérée plus qu'autre chose. En lisant la manière dont l'enquête. On ressent bien toute l'impuissance de la mère de la victime face à la police, celle de Ruth, aussi, lorsqu'elle va essayer d'avoir des informations auprès d'eux. L'autre thème, c'est celui de l'humain augmenté. Ruth a plusieurs modification physique (jambes, bras etc...) mais surtout, elle possède un Régulateur. Avec lui, adieu les états d'âmes, les poussées d'adrénaline non voulues et autres. Mais légalement, son utilisation ne doit pas excéder une heure. Or, pour ne pas penser du tout à ce qu'il s'est passé avant, elle pousse son utilisation autant que possible, à savoir durant vingt trois heures. Ainsi, elle est plus proche d'un robot que d'un être humain. Et c'est justement sur cela que s'interroge l'auteur. Comment l'humain peut-il gérer ses émotions et est-ce une si bonne idée que ça ? L'auteur nous laisse trouver nous même notre réponse, même s'il oriente tout de même bien le lecteur (en gros : c'est cool, mais faut pas en abuser quoi).

Le tout est parfaitement écrit, donnant envie aux lecteurs de continuer et de découvrir ce qu'il se passe. En fait, je trouve le récit peut-être un peu trop court. Je ne dis pas qu'il aurait mérité des centaines de pages en plus, mais la fin est un peu abrupte à mon gout. Elle arrive trop vite. De même, il me manque un truc sur le point de vue du tueur. J'ai parfois eu l'impression qu'il n'amenait pas grand chose de plus, sûrement parce que vu la longueur du texte, c'est très condensé alors qu'on retrouve finalement cette idée de clivage entre américains et étrangers dans le discours de l'homme.

Au final, j'ai beaucoup aimé cette novella, donc. Oui, je l'aurais bien vu avec quelques pages de plus mais j'ai été happée par le texte de Ken Liu qui reste très efficace. Et franchement, après les deux Heures lumières de l'auteur, je crois qu'il est peut-être temps que je passe à un format plus long (y a les Jardins de Poussière à la médiathèque pour quand j'aurais bien réduit ma PAL)

lundi 7 mars 2022

Ceux qui restent, Sophie Castillo

 J'ai découvert Sophia Castillo avec sa trilogie de novella sur Wattpad (à savoir, sur le bitume, sous la cendre et tant que nous sommes vivants)(je n'arrive pas à me rappeler si j'ai écrits leur avis ici et surtout je ne trouve pas)(ce qui voudrait dire que je ne l'ai pas fait alors que je suis presque sûre que oui et ça m'énerve un peu). Elle a publié il y a peu Ceux qui restent qui n'est pas resté très longtemps ni dans ma Wishlist ni même dans ma PAL.

Ceux qui restent, Sophie Castillo

Editeur : Sophie Castillo
Collection : /
Année de parution : 2021
Format : AZW

A lire si :
- Vous aimez les ambiances pesantes
- Vous voulez une protagoniste qui n'a rien de badass

A ne pas lire si 
- Vous n'aimez pas les récits à la première personne
-Vous n'aimez pas les histoires de fantômes
- Vous possédez un ciré jaune 

Présentation de l'éditeur  

Et si le plus grand danger venait de l’intérieur ?
Après un road-trip à travers les États-Unis, Noah et Ava Seydi sont sur le point de regagner la France.
Mais quelques heures avant le départ prévu de La Nouvelle-Orléans, de violentes intempéries clouent soudain tous les avions au sol et les poussent à changer leurs plans.
Les jumeaux se rabattent alors sur le seul logement encore disponible en cette période d’Halloween : une vieille maison isolée qui fait froid dans le dos.
Ils n’ont pas le choix et font contre mauvaise fortune bon cœur.
IIs vont vite s’apercevoir qu’ils n’en sont pas les seuls locataires.

Mon avis

Sophie Castillo et moi avons quelques points commun : nous habitons dans le sud (à une cinquantaine de kilomètres environ d'ailleurs), nous aimons la SFFF et en écrivons (même si je suis plus branchée fantasy pour ma part) et puis sûrement bien d'autres je suppose (vu les références qu'on trouve dans le roman, je n'en doute même pas). Ava, sa protagoniste et moi, avons aussi des points communs dont un très gros : les troubles de l'anxiété généralisée. Alors forcément, il risquait d'y avoir une connexion entre le roman et moi. On ajoute à ça qu'il se passe en Louisiane, état qui me fait rêver depuis des années, qu'on a un huis-clos qui s'annonce passionnant et je me suis rapidement embarquée à la suite d'Ava et de son frère jumeau, Noah.

Nous les découvrons alors qu'ils doivent rentrer en France suite à un voyage à la Nouvelle-Orléans. Mais Gordon, un imposant cyclone va perturber leur plan. Obligés de trouver un abri, ils vont se retrouver dans une vieille maison coloniale, isolée de tout. Mais ce qui aurait pu être l'abri parfait pour se protéger de Gordon va devenir un véritable cauchemar... 

La première chose qui m'a marqué, forcément, c'est Ava. Déjà parce qu'elle est la narratrice et que ce sont ses mots que nous allons suivre. Ensuite, parce que dès le départ, je me suis reconnue en elle. Comme je le disais, nous avons quelques points communs elle et moi. Ses réactions, ce sont clairement les mêmes que les miennes à deux trois choses prêt. Ava a peur, pour beaucoup de chose. L'angoisse est toujours là, quoiqu'on fasse. Le moindre petit incident va la perturber. La foule ? idem. Alors imaginez-vous dès le début du roman dans un aéroport où l'on parle une langue que vous ne comprenez pas avec des gens qui commencent à s'exciter autour de vous. Perso, j'ai même trouvé Ava ultra courageuse là. Moi, à sa place, je serais déjà en train de faire une crise (mais il faut ajouter que je suis claustro et agoraphobe). Ce que j'ai apprécié, outre le fait qu'on se ressemble donc, c'est que rarement un auteur va mettre ce genre de personnage en avant comme ça. Je ne dis pas que ça n'existe pas, mais bien que je suis rarement tombée dessus. Ca peut d'ailleurs se comprendre, on peut vite tomber dans le perso super chiant qui se plaint et pleurniche tout le temps. Ici, Sophie Castillo évite cet écueil avec une Ava très anxieuse mais qui tente d'aller de l'avant. Elle est aussi épaulé par son frère jumeau, Noah. Bien moins angoissé qu'elle, plus pragmatique aussi, il sert de contrepoids par rapport à sa soeur. Il est la partie "normale" du duo, celui sur qui l'on peut se reposer. Noah, c'est le pilier d'Ava, celui qui sait comment la calmer, qui est toujours là.

Et autant dire qu'elle va en avoir besoin de son frère, notre Ava. Parce que la maison où ils se sont réfugiés est clairement angoissante. L'ambiance que met en place l'autrice petit à petit est prenante. Oh, vous n'allez pas avoir peur de suite, ne vous inquiétez pas. Mais tandis que Gordon fait son petit bout de chemin, vous allez sentir l'angoisse monter. Vous voyez un peu les romans de Stephen King, comme Sac d'os (qui fait une apparition d'ailleurs) ou Salem ou même Shining ? Ben voilà, Ceux qui restent, c'est un peu la même chose. Ca monte petit à petit sans jamais être gore ou complétement horrifique (même si ça arrive pour l'horreur). La maison joue un rôle important là-dedans (et elle existe en vrai)(et en moins hantée aussi), elle est elle-même un personnage de l'histoire, au même titre que les jumeaux et que les autres. J'apprécie beaucoup beaucoup quand les lieux ne sont pas juste là pour faire décoration et ici, dans ce huis-clos si oppressant, je suis ravie que ce soit le cas.

Mais il y a aussi autre chose qui m'a beaucoup marqué. Ceux qui restent ne raconte pas que cette histoire de maison hantée. C'est aussi une histoire de deuil. Là, ça devient compliqué d'en parler sans spoiler par contre. Comme son titre l'indique clairement, ceux qui restent parle, ben, de ce qui sont toujours là après un drame. Ca raconte comment on peut passer cette épreuve-là, de la difficulté de le faire. Ca raconte aussi la culpabilité que l'on peut éprouver et comment on finit parfois par s'y enfermer. Alors, oui, j'en ai déjà un peu trop dit mais c'est vraiment l'un des axes qui m'a profondément touché dans ce roman.

Je crois qu'on va pouvoir arrêter là pour l'article (mais j'ai pas parlé du ciré jaune, ni des références qui m'ont fait rire (la mite en pull over)). J'ai peur de trop en dire et de gâcher le plaisir à la lecture (et franchement, la fin est juste wahoo, j'ai rien vu venir alors que d'habitude, je vois ce genre de chose à vingt lieux). Ce fut un vrai coup de coeur, pour Ava, pour Noah, pour l'univers et tout le reste. J'espère pouvoir revenir dans l'univers de Sophie Castillo rapidement (et il y a de quoi faire sur Wattpad ou sur son site). 

Un dernier mot : lisez Ceux qui restent. Vous allez voir, c'est bien.