jeudi 4 juillet 2019

La Servante Ecarlate, Margaret Atwood

Je me suis enfin lancée dans cette dystopie dont tout le monde parle (surtout en ce moment où il semble que la nouvelle saison du show TV ne remporte pas tous les suffrages)(vous ne serez pas étonné si je vous dis que je n'ai pas vu un seul épisode de celui-ci). Et franchement, je suis presque déçue de ne pas l'avoir connue plus tôt (mais dans ce cas, est-ce que je l'aurais autant aimé ?).


La Servante Ecarlate, Margaret Atwood

Editeur : Robert Laffont
Collection : Pavillons poche
Année de parution : 2017
Titre en VO : The Handmaid's tales
Année de parution en VO : 1985
Nombre de pages : 521

A lire si 
- Vous aimez les dystopies
- Vous ne voulez pas de personnages ultra badass

A ne pas lire si 
- Vous voulez quelque chose avec beaucoup d'action

Présentation de l'éditeur : 

Dans un futur peut-être proche, dans des lieux qui semblent familiers, l'Ordre a été restauré. L'Etat, avec le soutien de sa milice d'Anges noirs, applique à la lettre les préceptes d'un Evangile revisité. Dans cette société régie par l'oppression, sous couvert de protéger les femmes, la maternité est réservée à la caste des Servantes, tout de rouge vêtues. L'une d'elle raconte son quotidien de douleur, d'angoisse et de soumission. Son seul refuge, ce sont les souvenirs d'une vie révolue, d'un temps où elle était libre, où elle avait encore un nom. Une œuvre d'une grande force, qui se fait tour à tour pamphlet contre les fanatismes, apologie des droits de la femme et éloge du bonheur présent.

Mon avis

Je ne vais pas vous mentir, j'ai eu un coup de cœur pour la Servante Écarlate. En fait, c'était même couru d'avance, je crois. Si j'aime beaucoup les dystopies Young-Adult qui se lisent vite et bien, j'ai un faible évident pour les romans plus "adultes" qui apportent une vision peut-être un peu plus mûre, en tout cas, différente. Ici, pas de personnages ultra badass qui vont se battre physiquement pour leur liberté, pas de combat. Non, la Servante Écarlate joue sur un autre terrain et il le fait terriblement bien.

Dans ce qui semble être un futur plutôt proche, le pays de Gilead (une bonne partie des USA apparemment, mais impossible d'en être sûre) a installé une dictature basée sur les Évangiles revisités (coucou le viol ritualisé à cause d'un passage de la bible mal interprété). On y trouve tout ce qu'y peut définir une dictature, de la position des hommes et des femmes dans la société à la maîtrise de la propagande en passant par une justice expéditive et cruelle. Bien que tout cela soit assez jeune, finalement, la dictature est bien présente et les habitants de Gilead soumis à elle sans trop de problème. C'est dans ce monde-là que nous faisons la connaissance de Defred, une Servante, l'une des rares femmes capables de procréer et dont c'est devenu la fonction première. A travers ses yeux, nous allons découvrir ce qu'était la vie avant et puis maintenant à Gilead. 

Il y a quelque chose qui m'a frappé dans la Servante Ecarlate. Plus que le fait que ça semble si possible, c'est la personnalité de Defred. L’héroïne du roman a totalement abandonné. Elle ne se bat plus. Elle suit le mouvement. De temps en temps, elle a un sursaut de rébellion. C'est souvent quelque chose de minime, presque de puérils (elle montre sa cheville aux gardes de la ville par exemple) et ça reste rare. En fait, Defred, ça pourrait être n'importe qui. Ne nous mentons pas, nous serions beaucoup à finir par accepter notre sort comme elle, à avoir perdu sans même nous battre. Je crois vraiment que c'est une des premières choses qui m'a touché en lisant le début du roman. Pourtant, Defred est aussi une héroïne en soi. Par ses petits actes de rébellions, par son histoire aussi. Et c'est quelque chose que j'ai aimé, qu'elle soit finalement une femme normale qui se battent avec les tous petits moyens qu'elle a en sa possession.

Ce trait de construction se retrouve en fait un peu partout dans le roman, pas seulement en Defred. Les autres personnages sont assez similaires à elle. Que se soit le Commandant qui profite de sa situation pour transgresser les règles mises en place en ayant par exemple des livres ou même en allant dans une maison close (maison close qui d'ailleurs n'aurait même pas du exister pour le coups, mais faut bien satisfaire les partenaires commerciaux et les Commandants)(l’hypocrisie de ceux qui se trouvent au sommet de la pyramide quoi), son Epouse, Serena Joy, qui fut l'une des égéries du régime et qui se retrouve finalement prise au piège par ce qu'elle vantait, Moira qui après s'être rebellée à finalement perdue espoir. Aucun n'est parfait, aucun n'est un guerrier et pourtant, à eux tous, ils offrent le meilleur panel pour présenter ce qu'est Gilead et sa dictature.

Une dictature qui parait tellement réelle, elle aussi. L'autrice a utilisé des choses qui sont réellement arrivés. Pas forcément toute en même temps, ni même à la même époque, mais c'est déjà arrivé. Et c'est la grande force du livre, cet aspect "d'authenticité" ajouté au fait que toute la partie avant que nous raconte Defred nous rappelle fortement les années 80 ou même les nôtres. Je crois vraiment que c'est pour cela que le roman nous touche tant. Parce qu'il parait vrai, parce qu'il pourrait être vrai. L’Amérique que souhaite Trump par exemple n'est finalement pas si loin de ce qu'est Gilead (avortement interdit, une seule religion, des murs un peu partout, les droits bafoués, etc...). Ainsi, le lecteur n'a pas le moindre mal à imaginer Gilead et ce qu'il s'y passe. Le roman n'en devient que plus perturbant, plus "horrifique". Oui, tout cela peut arriver même dans un pays comme les USA ou la France où l'on se tarque d'avoir de nombreuses libertés. Pire encore, une dictature peut arriver en douceur, sans que personne ne dise rien ou presque, tout étant parfaitement mis en place pour que le citoyen de base laisse faire.

Enfin, j'aimerais dire un mot sur la partie féministe du livre. Oui, le livre est féministe, je ne dirais pas le contraire. Il l'est grâce aux discours de Defred, celui de Moira aussi, celui des autres femmes. Il l'est puisque le livre montre ce qu'il pourrait se passer pour les femmes dans une dictature. Mais attention, la Servante Écarlate n'est pas uniquement féministe. Il ne faudrait pas la réduire à cela. C'est une partie importante, oui. C'est une partie qui nous touche aussi, qui tend presque à malheureusement devenir réalité (je rappelle qu'en Alabama, 25 hommes ont voté la loi la plus restrictive sur l'IVG des USA, qu'en France même le droit à l'IVG bien qu'accordé se trouve régulièrement en danger...). Si cette partie est importante, elle n'est pas la seule. A la base d'ailleurs, Margaret Atwood n'a pas écrit une dystopie féministe (elle le dit elle-même dans la post-face de mon édition). C'était normalement une dystopie faisant écho à 1984 d'Orwell, quelque chose dénonçant la mise en place de dictature et le fonctionnement de celle-ci (ça se remarque avec le rôle du Commandant par exemple), la Servante Écarlate dénonce les institutions, critique les extrêmes religieux, le totalitarisme. Les deux causes sont importantes. Et si je ne renierais sûrement pas la part féministe du livre, je n'oublie pas non plus les autres messages qu'il fait passer. En fait, finalement, elles sont très liées. Comme le disait si bien Simone de Beauvoir : ""N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." Le roman illustre parfaitement ces propos pour moi.

Pour finir, j'ai donc beaucoup aimé le roman. Je l'ai aimé pour ses personnages qui n'ont rien de héros, pour son aspect très "réel", pour sa vision, son féminisme, ses dénonciations. Je l'ai aimé pour tout ça et plus. C'est un livre que je recommande vraiment. Lisez la Servante Écarlate, ouvrez les yeux.

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