jeudi 19 mars 2015

Le Jardin des Silences, Mélanie Fazi

De Mélanie Fazi je n'ai lu qu'une nouvelle, un roman et sa traduction de Fils-des-Brumes de Sanderson. Pourtant, cela m'avait suffi à apprécier sa plume. Forcément, je voulais en découvrir toujours plus et me voilà avec ce recueil, son troisième.

Le Jardin des Silences, Mélanie Fazi

Éditeur : Bragelonne
Collection : L'autre B
Année de parution : 2014
Nombres de pages : 250

A lire si
- Vous voulez des nouvelles
- Vous voulez du fantastique un brin mélancolique mais plein de poésie

A ne pas lire si :
- Vous ne voulez pas de nouvelles

Présentation de l'éditeur :

Un bal secret au cœur de l’hiver, une violoniste dont les notes soulèvent le voile des apparences, une dresseuse d’automates dépassée par sa création : à travers ces douze textes ciselés, découvrez ou retrouvez l’univers envoûtant de Mélanie Fazi, auteure rare à la plume délicate, qui joue des mots émotions avec une justesse bouleversante.

Mon avis :

Avant de parler du recueil en général, et comme la plupart du temps, voici un avis court sur chacune des nouvelles, 12 en tout, qui le compose.

Swan le bien nommé
La première nouvelle emprunte un peu des contes d'Andersen (que ça fait longtemps que je n'ai pas lu, faudra que j'y remédie un peu à ça). Une famille recomposée, une belle-mère qui n'aime pas les enfants de son nouvel époux. La belle-mère est sorcière et après avoir tenté de jeter un sort à l'héroïne du conte, elle va le faire à son frère, Swan. Comme dans le conte, il sera donc transformé en signe et notre jeune héroïne devra tout faire pour le rendre humain. Mais il y a une différence par rapport à conte originel... Et cette différence fait toute la saveur de la nouvelle.

L'arbre et les corneilles
Cette fois-ci, nous voilà en plein mois de décembre pour une nouvelle portant sur Noël. Une jeune femme va se rendre tous les jours de décembre chez sa tante pour recevoir les décorations de son sapin. Les dites décorations sont en fait des souvenirs de la vie d'avant, celle de l'enfance, du temps qui passe. J'ai trouvé la nouvelle très belle, emplie d'une certaine nostalgie pour un univers que l'on apprécie peut-être moins lorsqu'on devient adulte.

Miroir de porcelaine
Iris est dresseuse d'automate. Alors qu'elle prépare son nouveau numéro, qui devrait être le plus beau et surtout le plus compliqué qu'elle est fait jusque là, rien ne se passe comme prévue. C'est au travers de sa remontée vers la surface, de son envie de voir bouger Volodia, sa dernière création qu'elle va nous raconter ce qu'il s'est passé. Une nouvelle qui m'a énormément plu où les sentiments sont en première ligne.

L'autre route
Ce n'est pas ma nouvelle préférée du recueil, mais elle m'a tout de même beaucoup touchée. Surement parce qu'elle parle d'un père dépassé avec sa fille après un divorce. Je me suis retrouvée dans cette jeune fille qui pense que son père serait mieux sans elle et j'ai retrouvé mon père dans cet homme qui ne sait comment gérer ce qu'il se passe entre eux (surtout depuis quelques mois, où on en parle).

Les sœurs de la Tarasque
J'ai déjà lu cette nouvelle dans l'anthologie Reines et Dragons et j'en garde un très bon souvenir. Je l'ai relu parce qu'elle m'avait plu et que ma première lecture remonte déjà à 2012. Et bien, j'ai tout autant aimé cette fois, les Sœurs de la Tarasque reste une de mes nouvelles préférées et je pense que ce n'est pas près de changer.

Le pollen de minuit
Dans le Pollen de Minuit nous suivons ce qui pourrait être le marchand de sable, une créature, femelle, qui entre en contact des humains pour les faire rêver. Or celle qui narre l'histoire a décidé de se focaliser sur un seul humain, du moins sur une famille même si elle n'entre en contact qu'avec l'homme. C'est une belle histoire sur la maternité, mais vu autrement. On y trouve de la jalousie, des sentiments amoureux et un instinct maternel des plus étranges de la part de notre Marchande de Sable.

L'été dans la vallée
L'héroïne de cette nouvelle est la voix de la vallée. On ne sait pas trop précisément ce que cela veut dire, sauf que sa voix est plus vieille qu'elle et que si elle part, alors la vallée subira le pire. Mais qu'est-ce le pire ? Or, elle veut partir, et elle compte bien le faire à la rentrée. Depuis, les gens la regardent autrement, comme un monstre, ce qu'elle est pour eux. Sauf Noé, son copain. Mais voilà, lui aussi croit à la Voix. Cette fois, avec cette histoire de voix, Mélanie Fazi nous entraine dans les rêves d'avenir, les espoirs brisés aussi. Elle fait ça avec sensibilité, comme toujours.

Le Jardin des Silences
La nouvelle dont le recueil porte le titre m'a un peu déçue. Pas quelle est mauvaise, je trouve qu'aucune ne l'est dans le livre, mais juste que je m'attendais à autre chose, à un peu plus de poésie pour un titre qui me semble l'être. Séverine se promène la nuit dans Paris et un jour, elle découvre un jardin. Un jardin qui va faire remonter les souvenirs de ses dix-neuf ans. Une année où elle a tout perdu. Comme celui de l'enfance, le thème du souvenir revient souvent chez Mélanie Fazi. Dans le jardin, Séverine va combler les silences sur sa vie d'avant, la revivre, et faire le deuil de ce qu'il s'est passé. C'est le moment de faire la paix avec elle, avec ce passé qui la détruite mais qui en même temps la fait renaitre.

Née du givre
Née de givre doit être la nouvelle la plus courte du recueil. Elle m'a donné l'impression de parler dépression, enfermement aussi. Une jeune femme se retrouve remplacer par son reflet de givre petit à petit. Je dois pourtant bien avouer que j'ai eu du mal à entrer dans la nouvelle cette fois.

Dragon caché
Dragon caché nous entraine une nouvelle fois dans l'enfance mais pas que. Entre un enfant spécial dont les plantes semblent avoir pris possession du corps et qui enferme en lui un dragon, un professeur particulier mal à l'aise avec l'enfant mais qui en même temps semble lui vouloir le pire et enfin, l'esprit d'une sorcière morte depuis des années, il y a de quoi faire de la nouvelle quelque chose de passionnant. Sauf qu'au final, j'ai trouvé qu'il y avait trop de chose dedans et que je m'y perdais un peu trop. Pourtant bien écrite, comme toutes les autres, avec des thèmes qui me parlaient, je n'ai pas accroché. Après, avouons, on ne peut pas accrocher à tout dans un recueil.

Un bal d'hiver
J'ai beau avoir déjà croiser une Oriane (et une qui aurait dût d'appeler ainsi, la Olianne de Syven), j'ai toujours une petite pointe d'émotion lorsque je croise mon prénom dans une nouvelle. Et encore plus si le récit me touche. Un bal d'hiver a fait plus que me toucher, il m'a même tiré des larmichettes. Carrément oui. Je suis sentimentale aussi. Comme pour L'arbre et les Corneilles, nous voilà en période de Noël. Oriane a perdu sa mère un an plus tôt et elle doit fêter Noël avec la famille de la nouvelle amie de son père. Mais pour elle, tout cela est trop tôt et même si elle ne déteste pas Judith, elle n'arrive pas à s'y faire. Mais un soir, juste avant, elle va entendre une étrange musique qui va la mener dans le jardin de Bleueen, la voisine. Ce qu'elle va y découvrir va lui donner l'envie de laisser sa chance à Judith. Encore une fois, c'est le thème du deuil qui vient ici et celui de la reconstruction. C'est beau, terriblement beau. Bref, un vrai coup de cœur pour cette nouvelle.

Trois renards 
Trois renards traitent d'un thème dur. Celui de la femme battue, vu par la dite femme. Il est facile de tomber dans le pathos sur ce genre de thème. Mélanie Fazi ne le fait pas. Elle le traite en même temps que celui de la musique, Livia étant une violoniste. Ici aussi, c'est encore très beau, surtout les parties "musicales". Mais j'avoue avoir surtout apprécié la manière dont elle fait parler la jeune femme, avec des mots que l'on retrouve souvent dans la bouche des femmes battues, cette culpabilité alors que ce n'est pas leur faute, cet espoir qui semble vouloir toujours rejaillir alors qu'en fait non. Après, la partie "femme battues" peut sembler très, trop classique. La partie musique, l'apparition des animaux, les émotions sortis de l'instrument équilibre le tout et lui donne cette petite touche de poésie qui fait du bien.


Autant le dire, les nouvelles de Mélanie Fazi ont toutes une trame assez classique dans la nouvelle fantastique. Elle ne sort que rarement des règles qui la régisse depuis des années, voire quelques siècles. Pourtant, il y a quelque chose qui fait réellement la différence chez elle. Mélanie Fazi a cette façon de jouer avec les mots et les sentiments qui me touchent énormément. Elle les manie avec brio, donnant de la poésie et de la chaleur à ses textes, leur intimant ce côté onirique qui parfois manque dans la nouvelle fantastique. Il en va de même pour les thèmes qu'elle traite, dans ce recueil. L'enfance perdue, le deuil, les relations entre personnes. Ce sont aussi des thèmes souvent usés mais qui pourtant semblerait presque neuf sous sa plume. 

Ce recueil, le premier que je lis de Mélanie Fazi, m'a beaucoup touché. Il m'a parlé, m'a ému. Mais attention, ce n'est pas un livre qu'on lit d'une traite. Il faut prendre son temps, une nouvelle ou deux par session de lecture. Déjà parce qu'il faut le temps de digérer les nouvelles, les unes après les autres et que certaines touchent plus que d'autre, ensuite parce qu'il faut savoir apprécier les bonnes choses à leur juste valeur. 

J'ai eu un vrai coup de coeur pour un Bal d'hiver en particulier (sans compter les Sœurs de la Tarasque, puisque déjà lu) et pour le recueil en entier en général.


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