vendredi 21 octobre 2016

Je n'ai pas peur, Niccolo Ammaniti

Deux ans après Comme Dieu le veut qui m'avait marqué, je me relance dans un Ammaniti. J'ai eu beaucoup de mal à choisir un autre de ces bouquins, parce qu'ils me semblent tous géniaux mais quand même temps, il me fait un peu peur. Parce que je sais que je ne sortirais pas forcément hyper joyeuse de ma lecture mais surtout qu'elle risque de me marquer pour un bon moment. 

Je n'ai pas peur, Niccolo Ammaniti

Editeur : 10/18
Collection : /
Année de parution : 2014
Titre en VO : Lo non ho paura
Année de parution en VO : 2001
Nombre de pages : 231

A lire si : 
- Vous voulez une histoire qui se lit vite
- Vous voulez quelque chose d'assez haletant tout en étant pas un thriller
- Vous n'avez pas peur de la violence

A ne pas lire si :
- Vous n'aimez pas la violence
- Vous voulez un truc qui finit bien pour tout le monde

Présentation de l'éditeur :

Il y a des souvenirs de jeunesse qui longtemps restent imprimés entre les parois de la mémoire, des souvenirs qui traversent la vie, baignant dans une aura particulière. Michele Amitrano a passé sa jeunesse dans le Sud italien, à Acqua Traverse, un tout petit hameau. Ses journées se partagent entre les repas de famille et les sorties avec ses camarades en culottes courtes des maisons alentour. Des jeux improvisés dans la campagne, des parties de football, des virées par monts et par vaux, sous la houlette de Rackam, le chef de bande, petit saligaud, imposant des gages tordus et pervers. C'est précisément à l'occasion d'un gage périlleux que Michele fera l'une des rencontres les plus surprenantes et inquiétantes de sa vie, celle d'un enfant enchaîné, tapi dans un trou, dans une maison abandonnée. Livre du souvenir, livre de l'enfance, Je n'ai pas peur est un texte réjouissant, tenant à la fois du genre policier et du récit initiatique. Aux tableaux successifs qui remplissent le quotidien d'une famille modeste italienne, Niccolo Ammaniti ajoute une sensibilité nostalgique ensoleillée, sans jamais tomber dans le pittoresque. Pas de grands effets, mais plutôt une simplicité à l'image de la vie dans le Sud, rehaussée par un lyrisme rocailleux.

Mon avis :

Après les années 2000 avec Comme Dieu le Veut, nous voilà plonger dans les années 1978, en Italie du Sud, dans le hameau d'Acqua Traverse. Cet été-là, la chaleur écrase tout. Les adultes restent enfermés à la maison, les animaux ne sortent pas. Seuls les enfants bravent le soleil. Ils vont et viennent dans la campagne, jouent, font du vélo... Parmi eux, on trouve Michele, le narrateur. Neuf ans, une petite soeur, Maria, qui le suit partout et un sens de la justice énorme. Michele qui ne supporte plus vraiment les gages que leur donne leur chef de bande, Rackam. Pour éviter à Barbara l'un d'eux, particulièrement pervers, il va prendre sa place. Une place qu'il mérite d'ailleurs, puisque c'est lui qui est arrivé dernier, vu qu'il a du aider sa sœur. Ce gage-là va changer toute sa vie. Il va découvrir, dans un trou, un enfant. Un gamin de son âge, prisonnier des monstres. 

On plonge directement dans cette plaine durant l'été 1978. Il flotte dans le roman un lourd parfum de nostalgie. Cela se voit dans les descriptions des décors, les champs de blé murs, l'étang secs, les rues poussiéreuses. Le narrateur est en fait un adulte nous racontant cet été-là, se remettant dans la peau de l'enfant qu'il était. On le sent vraiment. On sent aussi dès le départ la perte de l’innocence de Michele. Il a beau essayé de revivre tout cela avec des yeux d'enfants, il n'y arrive que très peu. Il faut dire que si le premier chapitre est joyeux, si l'on y découvre la vie de ce groupe d'enfants, tout bascule à la fin de celui-ci. La rencontre entre Michele et Filippo, l'enfant prisonnier, va faire entrer le narrateur dans un autre monde. Un monde où les monstres n'existent pas et où il doit se méfier des humains.

Si la nostalgie est bien présente, il en va de même pour la violence. Et cela dès le départ. On s'en rend vite compte avec les gages pervers de Rackam (un exemple ? La seule fille du groupe a dut montrer ses seins naissants ou encore, elle se voit menacer de devoir montrer son sexe), les corrections de la mère de Michele lorsqu'il arrive en retard, le grand frère de Rackam qui bat les gamins pour son bon plaisir et j'en passe... Et puis, l'horreur, ce gamin enferme dans un trou, trop faible physiquement pour essayer d'en sortir, devenu fou d'être dans le noir. Parce que la violence jusque là paraissait presque normalement à Michele, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'on pouvait faire bien pire. Et ce pire, il va vouloir le contrer. Michele, passée la peur de cet enfant dans son trou, va devenir ami avec lui, va essayer de lui rendre la vie plus joyeuse, va vouloir le sortir de là. Et en même temps, il a peur de se confronter à son père, aux autres adultes. Aux monstres. 

Mais comme pour Comme Dieu le veut, il y a beaucoup d'humanité dans le roman. Les adultes font ce qu'ils font pour leurs enfants. Le père de Michele, Pino souhaite offrir une vie meilleure à sa femme et ses enfants. Lui et sa femme veulent les sortir du hameau, pouvoir leur offrir ce qu'ils veulent. Ils aiment leurs enfants, réellement. Tout comme la plupart des autres parents, qui se retrouvent embarqués là-dedans sans vraiment trop comprendre finalement ce qu'il va réellement se passer. Même Sergio, le cerveau de l'histoire, a une petite part d'humanité. C'est un point fort chez l'auteur, que de montrer les faiblesses des monstres de cette manière, de mettre en évidence cette horreur face à l'innocence des enfants. On ne trouve pas que de l'horreur dans les récits de l'auteur italien, on y trouve aussi souvent des moments de grâce.

Je sors de ma lecture assez bouleversée comme pour le premier livre d'Ammaniti que j'ai pu lire. Cet auteur a le don de me faire passer par un certain nombre de sentiment plus ou moins contradictoire à chaque fois. C'est un livre très vivant, où les scènes de la vie ordinaire se mélange à l'horreur de ce que les adultes comptent faire. C'est beau et terrifiant à la fois. Au final Je n'ai pas peur est un beau roman.

" Arrête avec ces monstres , Michele. Les monstres existent pas. Les fantômes, les Loups-garous, les sorcières, rien que des conneries pour faire peur aux grands benêts comme toi. C'est des hommes que tu dois avoir peur, pas des monstres"

jeudi 13 octobre 2016

La Science des Cauchemars, Véronique Olvadé et Véronique Dorey

Le duo Olvadé et Dorey m'avait déjà embarqué l'année dernière avec Quatre Coeurs Imparfaits que j'avais apprécié. Il ne m'en fallait pas plus pour prendre la Science des Cauchemars, si ce n'est sa jolie couverture.

La Science des Cauchemars, Véronique Olvadé et Véronique Dorey

Éditeur : Thierry Magnier
Collection : Adulte Littérature
Année de parution : 2016
Nombre de pages : 53

A lire si :
- Vous voulez une histoire à la limite du fantastique
 - Vous aimez les illustrations un poil dérangeante
- Vous voulez une lecture rapide

A ne pas lire si :
- Vous voulez quelque chose de développer

présentation de l'éditeur : 

"Ce qu'il voulait, c'était me raconter ses cauchemars, ou plutôt trouver une résolution à ses cauchemars."

Mon avis :

C'est avec l'idée que j'allais retrouver un duo qui m'avait beaucoup plus sur un premier texte que j'ai pris ce nouveau livre. Aussi petit que le premier, avec une nouvelle fois des illustrations semblant bien sympathique et une quatrième tout aussi énigmatique, je me suis dit qu'il devrait autant me plaire. Peut-être avais-je tord, et de cela, j'aurais pu m'en rendre compte en lisant les deux-trois premières pages. J'ai apprécié ma lecture, oui, mais beaucoup moins que pour Quatre Coeurs Imparfaits.

L'histoire de la Science des cauchemars est celle d'une jeune fille partie pour une autre ville afin de voir une éclipse solaire. Mais point d'éclipse pour elle, on lui a menti. Santa Colonna est une petite ville du littéral mexicain où les pauvres vivent dans des mobil-homes ou sous des barques et les riches dans les villas ultra sécurisées des hauteurs. Mais la ville lui plait, et elle décide d'y rester. Elle va rencontrer Irma qui va lui parler de Roberto Apolinario, vieil homme aveugle cherchant une liseuse. En manque d'argent, elle va essayer d'avoir le travail. Un travail bien loin de la lecture, elle va l'écouter lui raconter ses cauchemars et essayer de les éloigner.

Le livre est une sorte de carnet de voyage, de journal intime. La narratrice nous explique pourquoi elle est partie, ce qu'elle pense de Santa Colonna. Tout cela prend un peu plus de la moitié du livre. Et puis, elle va rencontrer Roberto Apolinario et se plonger dans ses cauchemars. 

La différence entre les deux parties se voit autant dans le texte de Véronique Olvadé que dans les illustrations de Véronique Dorey. Surtout dans celle-ci en fait. Si au départ les dessins sont plutôt "normaux", proches de la photographie, à partir du moment où la narratrice rencontre Apolinario, ils se teintent de quelque chose de plus macabres, plus surnaturel, plus "cauchemars" en fait. J'ai à nouveau passé beaucoup de temps à tous les regarder, à chercher le petit détails... Certains m'ont parlé plus que d'autres. J'ai aussi apprécié le réalisme de ceux-ci. On perd le côté grosses têtes petits corps (qui est pourtant l'une de ses marques) pour plus de réalisme et finalement une ambiance un peu plus angoissante. 

D'ailleurs, c'est quelque chose que l'on trouve aussi dans la partie écrite par rapport à Quatre Coeurs Imparfaits. Au revoir le conte macabre, bienvenue dans la réalité teintée de fantastique. Reste l'ironie de l'autrice, le choix des mots et les parenthèses toujours fort amusante. Et en même temps, ça reste un conte, court (trop peut-être, heureusement que les illustrations sont là) et plutôt bien écrit.

Mais pourquoi ai-je moins apprécié que Quatre Coeurs Imparfaits ? Peut-être parce que justement, le conte est trop contemporain. Parce que la première partie ne m'a pas tant parlé que ça. Il a fallu la rencontre avec Apolinario et ses cauchemars pour que je commence à apprécier le discours. Et encore, par rapport à la description de Santa Colonna ou de ses habitants, cela fut court. Alors lorsque le titre parle de cauchemars et que finalement, nous n'en voyons que peu (enfin plutôt lisons, les illustrations sont là pour palier au problème, et cela même dans la partie où il ne devrait pas y en avoir), je suis un peu déçue. Je suis aussi déçue par la longueur, enfin son manque de longueur. Si cela ne m'avait pas tant perturbé sur leur premier texte, là oui. Je suis sûre que plus long, j'aurais surement plus accrochée. Au final, c'est donc une histoire sympathique avec de belles illustrations mais sans plus. 

mercredi 12 octobre 2016

La Neige de Saint Pierre, Léo Perutz

Ma première expérience avec monsieur Perutz c'était l'année dernière avec Le Maître du Jugement Dernier. J'avais apprécié ma lecture, mais vraiment, a tel point que j'ai rapidement ajouté un autre livre de Perutz dans ma PAL. C'était en plus de ça sans compter sur les éditions Zulma qui ont pensé à moi pour le dernier paru (sorti en début de mois), La Neige de Saint Pierre. Je remercie d'ailleurs fortement les éditions Zulma pour cette nouvelle plongée, tout aussi agréable que la première, dans l'univers de Perutz

La Neige de Saint Pierre, Léo Perutz

Editeur : Zulma 
Collection : Poche Z-A
Année de parution : 2016
Titre en VO : St. Petri Schnee
Année de parution en VO : 1933
Nombre de pages : 240

A lire si :
- Vous voulez un roman angoissant mais pas trop non plus
- Vous aimez vous demander ce qui est réel ou non

A ne pas lire si :
- Vous voulez une histoire bourrée d'action

Présentation de l'éditeur : 

En 1932, Georg Friedrich Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, quitte Berlin pour le lointain village de Morwede. Afin de soigner les paysans ? Pas si évident, car dans le secret de son laboratoire le baron vient de découvrir la neige de saint Pierre, un champignon parasite du blé capable d’agir sur les esprits comme une drogue. Et dont il compte bien se servir pour restaurer la ferveur religieuse… et le Saint Empire romain germanique. Mais la drogue, expérimentée sur les paysans de Morwede et l’entourage du baron, les fera brandir le drapeau d’une tout autre religion…
Interdit par les nazis dès sa parution en 1933, la Neige de saint Pierre est, par-delà l’enquête aux allures de rêve hallucinatoire, le roman de la manipulation et du pouvoir.

Mon avis

Comme dit en introduction, j'avais beaucoup aimé le Maître du Jugement Dernier et recevoir un nouveau livre de Leo Perutz  m'a mit rapidement en joie. Surtout qu'il ne m'a pas fallu un chapitre pour savoir que j'allais aimer ma lecture. 

Amberg, le narrateur, est à l’hôpital, depuis apparemment cinq semaines, suite à un accident de voiture. Sauf que pour lui, ce n'est pas pour ça qu'il est là. Il se souvient parfaitement avoir été jusqu'à Morwede pour y devenir le médecin du village. Là, il va découvrir que le maître des lieux, le Baron von Malchin tente de créer une drogue capable de rentre la foi à l'humanité. Il va aussi y retrouver Kallisto, dite Bibiche, l'assistante du baron dont il est amoureux. Il est persuadé que son arrivée à l’hôpital est dut aux événements de Morwede, événements qu'il va alors nous conter.

Dès le départ, on ne peut que se poser des questions. Doit-on croire les médecins ou le narrateur ? Il a reçu un choc à la tête, il pourrait très bien avoir rêver. Mais en même temps, on a très envie de le croire, surtout que ses souvenirs semblent particulièrement réels. Ainsi, nous allons le suivre alors qu'il quitte Berlin. En route pour Morwede, il va croiser Bibiche (j'ai eu en horreur ce surnom tout le long du livre, préférant user du prénom de la jeune femme, Kallisto, à chaque fois que je pouvais le voir) à bord de la cadillac qui l'aurait renversé. Dans le village, il va vite se rentre compte que quelque chose ne va pas forcément sans mettre la main dessus. Jusqu'à ce que le baron lui révèle ses intentions, rendre la foi en Dieu à l'homme à l'aide d'une drogue, la Neige de Saint Pierre.

Tout comme le Maître du Jugement Dernier, j'ai lu le roman plutôt rapidement, voulant savoir, à tout prix, le fin mot de l'histoire. La première partie m'a paru un peu longuette, surtout que notre médécin et narrateur à quelques états d'âme amoureux (qui dureront durant tout le roman). On va découvrir avec lui les diverses personnes importantes du village, le baron, son fils adoptif, le prince Praxatine, un russe ayant fuit les communistes, le curé ou encore l'instituteur. Tous ou presque semblent savoir ce qu'il se trame dans le laboratoire. Mais personne n'en parle vraiment. Le lecteur pourtant sait qu'il va se passer un truc affreux, le narrateur aussi d'ailleurs mais il n'en parle pas forcément. A la place, il décrit les personnages, les états d'âmes (heureusement pas qu'amoureux) et l'étrangeté de ce qu'il se passe. Mais dès que le baron dévoile au narrateur son ambition, tout semble prendre un coup d’accélérateur tout en restant en même temps flou et cela jusqu'à la fin du roman.

Perutz joue souvent avec cette limite du réel et du fantastique. Il arrive à créer une ambiance assez flippante mais pas trop non plus. Le lecteur ne peut que se poser des questions sur ce qu'il se passe, sur qui sont réellement les personnages qu'il croise au fil du roman. L'auteur lui laisse une bonne place pour imaginer les choses, surtout que son narrateur oublie quelques passages (volontairement ou non, allez savoir). Sans parler du fait que tout le long du livre, on se demande si ce ne sont pas les médecins qui ont raison, s'il n'aurait pas tout rêver. Parfois, on se le demande vraiment parce que le narrateur semble avoir des flashs de son coma. Mais en est-ce vraiment ? Le mystère reste entier.

Outre cela, le livre est aussi intéressant de part son thème, la perte de la foi religieuse et l'arrivée d'une autre foi, beaucoup moins centré sur Dieu. Ainsi, sans en faire non plus l'éloge, le communisme arrive dans le roman petit à petit, tel un nouveau messie. Un messie destructeur de monarchie (le baron rêvant de mettre sur le trône son fils adoptif, héritier des Staufen) et d'ordre établi. Il est intéressant de voir la manière dont Perutz traite de cela mais aussi de savoir que livre fut interdit à la publication par les nazis (et pas seulement parce que son auteur est juif). Il est vrai que je ne me suis pas du tout attendu à ça personnellement. C'est l'un des grands points forts de l'auteur, réussir un twist aussi bon avec si peu d'élément et surtout alors que le lecteur aurait plutôt eu tendance à voir autre chose. Il en va de même d'ailleurs pour les derniers chapitres, qui n'aide pas du tout à savoir si le narrateur a réellement vécu tout ce qu'il nous raconte.

Au final, c'est une nouvelle fois une bonne découverte, passionnante et étonnante aussi. Perutz est en train de gagner mon petit coeur de lectrice avec pourtant des histoires assez courtes et des narrateurs parfois un peu trop agaçant pour moi (j'avais déjà prit en grippe le baron von Yosh du Maitre du Jugement dernier, je n'en étais pas loin avec Amberg). La lecture en reste délicieuse et passionnante et j'ai hâte d'entamer la Troisième Balle, toujours dans ma PAL. 

mercredi 5 octobre 2016

Morwenna, Jo Walton

Lorsque Morwenna est sorti, il a fait beaucoup parler de lui. Et étrangement, il ne m'a pas forcément donner envie de le lire. Et puis, le soufflet est retombé, et on a commencé à ne plus trop en parler, si ce n'était pour un challenge (que j'aurais bien fait d'ailleurs). J'ai fini par craquer dessus, surtout à cause de sa couverture en poche, même si je trouve celle du grand format sympathique aussi. Et je me demande pourquoi ai-je attendu si longtemps pour le lire.

Morwenna, Jo Walton

Editeur : Folio
Collection : SF
Année de parution : 2016
Titre en Vo : Among others
Parution en Vo : 2011
Nombre de pages : 415

A lire si :
- Vous aimez les récits type journaux intimes
- Vous voulez du fantastique tout doux
- Vous voulez une héroine qui pourrait beaucoup vous ressembler

A ne pas lire si :
- Vous voulez beaucoup d'action

Présentation de l'éditeur

Morwenna Phelps, qui préfère qu'on l'appelle Mori, est placée par son père dans l'école privée d'Arlinghust, où elle se remet du terrible accident qui l'a laissée handicapée et l'a privé à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Loin de son pays de Galles natal, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres, notamment des livres de science-fiction. Samuel Delany, Roger Zelazny, James Tiptree Jr, Ursula K. Le Guin et Robert Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Alors qu'elle commence à reprendre du poil de la bête, elle reçoit une lettre de sa folle de mère : une photo sur laquelle Morganna est visible et sa silhouette à elle brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est sa mère ? Elle peut chercher dans les livres le courage de se battre.

Mon avis

Il est toujours étrange de se plonger dans un livre où l’héroïne nous parle vraiment beaucoup. Et comment souvent lorsque j'ai aimé un livre (adieu suspense sur ce point donc), j'ai aussi du mal à savoir par quoi commencer. Un jour, j'y arriverais sans problème, mais ça ne serait pas pour maintenant (ça fait déjà trois fois que je recommence...). Bref, allons-y.

Le roman est écrit sous forme de journal intime, celui de Morwenna Phelps, jeune fille de quinze ans. Nous le prenons en cours, en septembre. Ce format impose donc la lecture d'une tranche de la vie de son autrice. Nous n'avons pas tous les éléments en main dès le départ, découvrant son passé par bribes lorsqu'elle veut bien nous le donner. Autre chose, que je préfère dire dès le départ, ne vous attendez pas à une grande aventure, ni à un fantastique trop présent. Jo Walton n'a pas choisi de nous plonger dans une aventure fantastique, elle a choisit quelque chose de plus intime, ancré dans la vie quotidienne d'une adolescente qui aurait pu être comme les autres. Du coup, malgré une touche de fantastique, le roman reste surtout cette tranche de vie, située au moment où Morwenna commence son passage vers l'âge adulte. Il nous parle de ce passage, mais aussi d'elle, une jeune fille déjà bien marquée par la vie, qui essaie de se construire.

Il faut bien dire que Morwenna est un personnage que j'ai beaucoup mais alors beaucoup aimé. Parce qu'elle est comme j'ai pu être à son âge (et comme je suis toujours). Forcément, il y a la passion du livre et de la lecture. Elle lit tout le temps, principale de la SFFF (ma wishlist en a pris un sacré coup, j'ai même récupérer la liste du challenge Morwenna's list pour avoir tous les titres), et parle avec passion de tout cela. J'ai adoré ça, surtout qu'elle (enfin Jo Walton surtout) a un envie sur beaucoup de chose et se sert des lectures de Morwenna pour expliquer certaines pensées de la jeune fille. J'aime vraiment beaucoup tout ça, surtout que je me suis vraiment retrouvée dans cette adolescente même si mon mal-être de l'époque n'avait finalement pas grand chose à voir avec le sien.

Comme je le disais, Morwenna n'a pas vraiment été gâtée par la vie au moment où nous prenons en cours son journal. Sa soeur jumelle est décédée suite à un accident. Accident qui va en plus de ça laisser Morwenna handicapée.  Elle a fuit une mère un peu sorcière et surtout folle pour se retrouver avec un père qu'elle n'a jamais connue. De plus, elle doit changer d'école, découvrant le bonheur de vivre dans un pensionnat pour jeunes filles britannique, elle la galloise, elle l'étrangère. Blessée à la fois physiquement et psychologiquement, elle doit faire face à la perte de ses repères, à l'incompréhension de beaucoup et à la stupidité de ses camarades de classes (dans le style harcèlement scolaire, elles se posent quand même là les filles d'Arlinghust...). Et pour cela, Walton va utiliser la magie, mais à peine, de manière non intrusive. Morwenna voit les fées, pratique elle-même un peu de magie (même si elle ne sait pas toujours ce qu'elle fait). En fait, j'ai vraiment eu l'impression que la partie fantastique du roman été là pour représenter le passé, l'enfance de la jeune fille, même si elle est aussi là dans le présent. Mais ne faut-il pas garder son âme d'enfant même en grandissant ? N'avons-nous pas besoin de cette dose-là de magie ? Ce sont les questions que je me suis posée et auxquelles j'ai tendance à répondre comme Walton et son héroïne. De plus, il faut parfois attendre longtemps avant qu'un événement magique n'entraine un évenement dans le monde. On peut en venir à se demander si tout cela est du hasard ou de la vraie magie. L'utilisation du fantastique est donc particulièrement bien fait, il n'empiète pas réellement sur l'histoire tout en lui donnant une autre consistance. Cela donne un récit ancré dans son époque (fin 79 début 80) qui parait plus que réel. Et surtout les thèmes abordés ne sont pas noyés par le genre. Un récit qui est aussi ancré dans ses lieux. Morwenna est galloise et ce n'est pas pour la simple raison que son autrice l'est aussi. La Galle du Sud est une terre sauvage, emplie de magie. Elle s'oppose parfaitement à l'Angleterre où la jeune fille va devoir vivre, qui est plus "discipliné", plus froide aussi au niveau des rapports. Les fées galloises viennent à Morwenna, lui parlent, les fées anglaises l'ignorent et elles sont tout autant ignorées par la population. Une opposition que se retrouve bien dans ce que vit l'héroïne. D'ailleurs, elle n'est pas la même lorsqu'elle retourne en Galle du Sud que lorsqu'elle est en Angleterre. 

Si on retrouve plusieurs thèmes comme celui du passage à l'âge adulte, celui de la mort ou encore dans une moindre mesure le harcèlement, on en trouve aussi d'autres. Dont celui de la découverte du corps et de l'amour mais aussi des plaisirs sexuels. Morwenna est l'une des rares héroïnes que j'ai rencontré, qui parle masturbation et surtout qui est ouverte à ses désirs. Elle n'en a pas peur, ne cherche pas forcement à les analyser et surtout, suit ses "pulsions". D'ailleurs, ça revient assez souvent ça, qu'elle se laisse porter par ses pulsions (et pas seulement sexuelle). Morwenna, même lorsqu'elle obéit aux fées, même lorsqu'elle essaie de devenir la Gentille Nièce, suit son instinct. Ca donne parfois des situations un peu étonnante mais j'aime tellement sa manière de voir les choses qui n'est pas forcément entaché par des notions de bien et de mal.

Parlons un peu du style. J'ai d'abord été étonné par ce que pouvait écrire Morwenna, dans un langage parfois très adulte. Je rappelle que la jeune fille a quinze ans. Je ne m'attendais pas à un style trop enfantin, mais pas non plus à quelque chose de tel. En fait, c'est tout de même assez logique. Morwenna lit tout le temps, et des auteurs adultes. Elle écrit donc comme elle a pu lire, ainsi elle use de mots ou parfois de construction qu'une personne de son âge n'userait pas forcément. Mais tout cela reste bel et bien un journal intime, qui peut parfois être ennuyeux et répétitif et parfois réellement intimiste. Morwenna ne nous dit pas tout dedans, elle l'écrit pour elle-même. C'est au lecteur de lire entre les lignes, de se faire sa propre opinion, de réfléchir. Du coup, je pense qu'une partie de ce qui arrive à Morwenna peut-être interpréter de différentes façons par les lecteurs, tout comme le part de hasard ou de magie dans l'histoire.

Au final, j'ai clairement aimé le livre. Son héroine est attachante, assez proche de ce que j'ai pu être à son âge. Il n'y a pas de grande aventure magique, de gros vilain méchant ou autre. Le roman est intimiste, juste l'histoire d'une jeune fille qui croit en la magie et qui doit surmonter les épeuvres que la vie a mis sur son chemin. C'est aussi un bel ôde à l'amour, à la différence et à l'acceptation, un ôde à la littérature (surtout imaginaire mais pas que). Bref, un roman qui ne pouvait que me plaire. Un défaut ? Oui, sa fin, trop majestueuse en fait. J'aurais préféré quelque chose à l'image du reste du livre, un peu entre deux, qui laisse aux lecteurs le choix de l'interprétation. Mais ce n'est qu'un détail (parce qu'en fait, elle est bien cette fin aussi).