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lundi 21 mars 2022

Le regard, Ken Liu

 En passant à la médiathèque, j'ai vu qu'il avait un autre Une heure Lumière (du coup, j'ai lu les deux seuls qu'ils avaient apparemment) et donc, je me suis empressée de le prendre (alors que j'ai déjà une PAL monstrueuse en ce moment...)(Du coup, je ne prends que des BD et . L'avantage, c'est que ça se lit toujours vite.

Le regard, Ken Liu

Editeur : Le Bélial'
Collection : Une heure lumière
Année de parution  : 2017
Titre en VO : The Regular
Année de parution en VO : 2014
Nombre de pages : 93

A lire si :
- Vous aimez les novellas
- Vous voulez un policier efficace

A ne pas lire si : 
- Vous aimez quand les enquêtes durent.

Présentation de l'éditeur : 

DEMAIN…
Dans son registre, celui de l’investigation, Ruth Law est la meilleure. D’abord parce qu’elle est une femme, et que dans ce genre de boulot, on se méfie peu des femmes. Parce qu’elle ne lâche rien, non plus, ne laisse aucune place au hasard. Enfin, parce qu’elle est augmentée. De manière extrême et totalement illégale. Et tant pis pour sa santé, dont elle se moque dans les grandes largeurs — condamnée qu’elle est à se faire manipuler par son Régulateur, ce truc en elle qui gère l’ensemble de ses émotions, filtre ce qu’elle éprouve, lui assure des idées claires en toute circonstance. Et surtout lui évite de trop penser. À son ancienne vie… Celle d’avant le drame…
Et quand la mère d’une jeune femme massacrée, énuclée, la contacte afin de relancer une enquête au point mort, Ruth sent confusément que c’est peut-être là l’occasion de tout remettre à plat. Repartir à zéro. Mais il faudra pour cela payer le prix.
Le prix de la vérité libérée de tout filtre, tout artifice. Tout regard…

Mon avis

J'ai beaucoup aimé L'homme qui mit fin à l'histoire, lu en décembre. Du coup quand j'ai vu ce second Une heure lumière de l'auteur, je n'ai pas beaucoup hésité à le prendre. Cette fois, nous voici avec un texte de de SF mettant en scène une détective privée. On y trouve une petite ambiance année 50 mais dans un futur plus ou moins proche où les humains peuvent être augmentés.

Ruth Law est donc détective privée et elle bosse bien. Il faut dire que grâce à son régulateur, elle travaille avec la tête froide, celui-ci annihilant toute émotions de sa part. Ses améliorations, faite de manière illégales, lui permettant d'être plus forte, de ne rien lâcher et de tout voir de manière froide et logique. Surtout, son régulateur lui permet de ne plus penser à ce qu'il a pu se passer avant. Lorsque la mère d'une jeune prostituée, tuée puis énuclée, vient la voir pour trouver l'assassin de sa fille, elle n'hésite pas beaucoup pour prendre l'affaire. Déjà parce que la fille, une asiatique, a vu son meurtre rapidement classé, ensuite parce que malgré le Régulateur, quelque chose lui dit que c'est peut-être l'occasion de repartir de zéro d'une manière ou d'une autre.

En moins de 100 pages, nous voilà donc happé dans l'histoire de Ruth. C'est l'une des grandes forces de l'auteur, réussir à écrire une histoire courte et prenante. Surtout, ici, on retrouve deux thèmes particuliers. D'abord, celui du "non métissage" des populations chinoises (et asiatiques) aux USA. Parce que la victime est chinoise, son affaire a été rapidement classé en querelle de gang venant de Chinatown. Les policiers ne sont pas allés bien plus loin vu son ethnie et sa profession (elle aurait été afro-américaine que ça aurait sûrement été pareil d'ailleurs). Ruth, elle, est métisse, elle peut vivre dans les deux mondes et a choisi de poser son bureau à Chinatown où elle est tolérée plus qu'autre chose. En lisant la manière dont l'enquête. On ressent bien toute l'impuissance de la mère de la victime face à la police, celle de Ruth, aussi, lorsqu'elle va essayer d'avoir des informations auprès d'eux. L'autre thème, c'est celui de l'humain augmenté. Ruth a plusieurs modification physique (jambes, bras etc...) mais surtout, elle possède un Régulateur. Avec lui, adieu les états d'âmes, les poussées d'adrénaline non voulues et autres. Mais légalement, son utilisation ne doit pas excéder une heure. Or, pour ne pas penser du tout à ce qu'il s'est passé avant, elle pousse son utilisation autant que possible, à savoir durant vingt trois heures. Ainsi, elle est plus proche d'un robot que d'un être humain. Et c'est justement sur cela que s'interroge l'auteur. Comment l'humain peut-il gérer ses émotions et est-ce une si bonne idée que ça ? L'auteur nous laisse trouver nous même notre réponse, même s'il oriente tout de même bien le lecteur (en gros : c'est cool, mais faut pas en abuser quoi).

Le tout est parfaitement écrit, donnant envie aux lecteurs de continuer et de découvrir ce qu'il se passe. En fait, je trouve le récit peut-être un peu trop court. Je ne dis pas qu'il aurait mérité des centaines de pages en plus, mais la fin est un peu abrupte à mon gout. Elle arrive trop vite. De même, il me manque un truc sur le point de vue du tueur. J'ai parfois eu l'impression qu'il n'amenait pas grand chose de plus, sûrement parce que vu la longueur du texte, c'est très condensé alors qu'on retrouve finalement cette idée de clivage entre américains et étrangers dans le discours de l'homme.

Au final, j'ai beaucoup aimé cette novella, donc. Oui, je l'aurais bien vu avec quelques pages de plus mais j'ai été happée par le texte de Ken Liu qui reste très efficace. Et franchement, après les deux Heures lumières de l'auteur, je crois qu'il est peut-être temps que je passe à un format plus long (y a les Jardins de Poussière à la médiathèque pour quand j'aurais bien réduit ma PAL)

lundi 20 décembre 2021

L'homme qui mit fin à l'histoire, Ken Liu

 Cela fait un petit moment que je n'ai pas lu de novella de la collection Une heure lumière du Bélial. J'ai réussi à mettre la main sur celle qui me faisait le plus envie depuis le début de la collection et franchement, elle valait vraiment le coup.

L'homme qui mit fin à l'histoire, Ken Liu

Editeur : Le Bélial
Collection : Une heure lumière
Année de parution : 2016
Titre en VO : The man who ended history : a documentary
Année de parution en VO : 2011
nombre de pages : 112

A lire si :
- Vous aimez les formats courts
- Vous voulez une novella ressemblant à un documentaire

A ne pas lire si : 
- Vous voulez une histoire rectiligne

Présentation de l'éditeur :

Futur proche :
Deux scientifiques mettent au point un procédé révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée, pour une seule et unique personne, et sans aucune possibilité pour l'observateur d'interférer avec l'objet de son observation. Une révolution qui promet la vérité sur les périodes les plus obscures de l'histoire humaine. Plus de mensonges, plus de secrets d'état.
Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, dirigée par le général Shiro Ishii, l'Unité 731 se livra à l'expérimentation humaine à grande échelle dans la province chinoise du Mandchoukouo, entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d'un demi-million de personnes... L'Unité 731, à peine reconnue par le gouvernement japonais en 2002, passée sous silence par les forces d'occupations américaines pendant des années, est la première cible de cette invention révolutionnaire. La vérité à tout prix. Quitte à mettre fin à l'Histoire.

Mon avis

Avant toute chose, il faut savoir que oui, l'unité 731 a bel et bien existée. Ce n'est malheureusement pas une invention de son auteur. On est dans le même ordre d'idée que ce qu'il se passait dans les camps de concentration Nazis. Je vous conseille de faire un tour sur le net et les livres d'histoires pour découvrir un peu tout ça (attention, âme sensible s'abstenir, c'est particulièrement effrayent et gore, même dans la réalité (surtout dans la réalité en fait)). J'ai personnellement découvert l'unité 731 avec ma lecture. Il es probable que le fait d'être européenne y soit pour quelque chose. Nous avions nos propres atrocités dans notre passé (les camps de concentration). Il n'empêche que outre être une oeuvre de science-fiction, la novella de Ken Liu est un peu plus que ça. Elle sert aussi le devoir de mémoire mais nous y reviondrons.

Parlons d'abord un peu de la forme de la novella. Ici, comme le dit si bien le titre en VO (en VF aussi, mais pas sur la couverture, le terme "un documentaire" apparait sur le titre en haut des pages), nous lisons un documentaire. Vous savez, comme les films, où l'on va interviewer des scientifiques tout en montrant des images de reconstitution. Ainsi, petit à petit, Ken Liu met en place son propre documentaire. Nous, nous en lisons finalement la retranscription, aidé en cela par des didascalies bienvenues, nous présentant les divers protagonistes de l'histoire, des scientifiques, des politiques ou encore des personnes ayant utilisé la machine à remonter dans le temps. Forcément, cette forme-là a un véritable impact sur ce que nous lisons, peut-être plus que si nous avions eu une novella linéaire avec une personne allant dans le passé. 

Forcément, cette forme influe grandement sur le fond. Nous avons des passages où les scientifiques, plus particulièrement Akemi Kirino, épouse et collègue de Evan Wei (l'homme qui créa la machine), nous explique le fonctionnement de leur invention et ces implications. Puis, nous avons ceux de quelques personnes ayant pu retourner dans le passé. Nous découvrirons alors qu'il ne s'agit pas là de scientifique mais de membres des familles des victimes de l'unité 731. Nous trouverons aussi des interviews de politique, japonais et chinois ou encore, d'ancien membre de l'unité. Le tout semble parfois formé un discours un peu décousu mais ce n'est pas le cas. 

Car, petit à petit, Ken Liu demande à son lecteur de s'interroger sur le passé. Est-il bon d'y revenir de cette manière là ? De ne pas laisser ce précieux passé entre les mains de scientifiques mais entre celui des concernés, des victimes et de leurs parents ? Le cas de l'Unité 731 est particulier puisqu'elle n'a été reconnu que très tard (en 2002). Jusque là, les gens savaient mais n'en disaient rien ou presque. La période est sombre, dans tous les sens du terme. Or, dans la novella, ce ne sont ni des scientifiques, ni des historiens qui y "retournent". Ce sont des descendants des victimes qui vont, petit à petit, retrouver des pans entiers de leur histoire. Or, on se doute à quel point cela peut être important pour eux de savoir (moi-même, j'avais dans ma famille un survivant de Dachau qui n'a jamais voulu en parler, nous n'avons pas la moindre idée de ce qu'il a pu vivre là-bas). L'auteur nous interroge donc sur l'Histoire est la manière dont nous devons l'appréhender, sur notre rapport avec elle. 

L'homme qui mit fin à l'histoire est une oeuvre sur le négationniste, la mémoire, notre rapport à l'Histoire et à ses atrocités, mais aussi sur le "roman national" (je n'aime pas ce terme mais je n'ai pas trouvé mieux) ou encore les relations diplomatiques. Sous couvert de SF, c'est en fait un roman historique que nous avons là avec toutes les questions que nous pouvons nous poser sur l'éthique de tel voyage dans le temps et sur ce que l'homme pourrait y trouver finalement. 

Je dois avouer que je ne ressors pas tout à fait tranquille de cette lecture que j'ai, par ailleurs, beaucoup aimé. Un certain nombre de questions se bouscule dans ma tête et je crois bien que l'auteur a réussi son pari avec moi. Bon, il faut dire qu'il avait un bon terrain (oui, je sais, j'essaie toujours de faire des avis sans parler vie privée mais que voulez-vous, parfois, ce n'est pas toujours possible) puisque j'ai bien connu un survivant de Dachau et que ces questions-là, sur l'éthique en Histoire m'intéressèrent particulièrement (j'ai toujours été passionnée par l'Histoire, je dois bien l'avouer). Du coup, je recommande fortement cette novella qui se lit sommes toute rapidement et qui ne laissera pas indifférent.