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mercredi 24 août 2022

Une amitié, Silvia Avallone

 Je n'ai pas lu de roman hors SFFF depuis au moins un an (le dernier ouvrage qui n'en soit pas a été le journal d'écriture de Virginia Woolf, en aout de l'année dernière)(en roman pur, il faut remonter à janvier 2021). J'ai eu un peu peur de retourner à la littérature blanche et cela s'est vu au temps qu'une Amitié est restée dans ma PAL (je l'avais acheté le jour de sa sortie, en janvier de cette année) alors que j'adore l'autrice et ses précédents romans. Peut-être aussi parce que j'avais eu un peu plus de mal avec la Vie Parfaite, le roman précédent, que j'avais aimé mais qui n'avait pas eu le même impact que le si génial Marina Bellezza

Une amitié, Silvia Avallone

Edition : Liana Levi
Collection : Piccolo
Année de parution : 2022
Titre en VO :  un'amicizia
Année de parution en VO : 2021
Nombre de pages : 528

A lire si : 
- Vous voulez un roman sur les amitiés adolescentes
- Vous ne voulez pas forcément de quelque chose de beau

A ne pas lire si 
- Vous ne voulez pas d'un roman à la première personne

Présentation de l'éditeur : 

Les amitiés de l’adolescence sont les plus fortes. On échange expériences, secrets et vêtements, tout en se projetant dans un futur rempli d’espoirs. Elisa et Beatrice, les deux héroïnes de ce roman, n’y font pas exception. Bien que leurs histoires familiales diffèrent totalement – la première a été élevée par une mère aimante mais fantasque et indifférente aux apparences, la seconde par une mère qui surinvestit le paraître et transforme sa fille en poupée Barbie –, elles ont noué un lien fusionnel. Et cela jusqu’au jour où un changement planétaire, Internet, fait irruption dans leur vie. Elisa continuera à faire partie du «monde d’hier», celui qui valorise les livres et la culture, tandis que Beatrice se lancera tête baissée dans l’aventure du «monde nouveau», celui qui pousse sur le devant de la scène influenceurs et réseaux. Et ces courants contraires les entraîneront vers des destins opposés.

Mon avis

S'il y a une chose qui me marque toujours dans les romans de Silvia Avallone, ce sont les débuts. L'incipit de Marina Bellezza me hante toujours et je pense que celui de une amitié restera tout aussi longtemps. L'autrice m'a happé alors même que je n'avais lu que deux phrases. Et elle ne m'a lâché que lorsque j'ai refermé le roman, à la fin de la page 528. Mais il faut dire que ce roman a quelque chose de particulier. Des relents de vécu, quelque chose que j'aurais bien mis de côté encore quelques années. Je crois d'ailleurs qu'on a toutes (et peut-être tous) vécu ça, ce genre d'amitié, à l'adolescence. Vous savez, une amitié qui prend le pas sur tout, qui éclipse tout et puis qui disparait, souvent brisé par l'une des deux parties pour une raison que personne ou presque ne comprends vraiment. Et bien, c'est cela que va raconter l'autrice dans ce roman. Il rejoint en cela son premier roman, d'Acier, qui avait pour fils rouge une amitié adolescente déjà. Mais d'Acier ne faisait que l'effleurer, parlant plus de la jeunesse de Piombino que juste des deux filles. Ici, Avallone va plus loin et raconte les années lycéennes de Béa et Elisa, de la naissance de leur amitié à sa fin et même un peu plus. 

Pour cela, elle nous place direct dans la peau d'Elisa. Elisa a quatorze ans lorsque sa mère la laisse chez son père, dans la ville cotière de T (alors, j'ai cherché, j'ai pas trouvé, mais elle se situe probablement non loin de Piombino puisque, comme elle, T a pour voisine l'île d'Elbe et la méditerranée). La séparation est déchirante. Elisa ne connait pas son père et elle doit faire face à l'abandon de sa mère et de son frère. C'est là qu'entre en scène Beatrice. Bea, c'est la fille pas populaire mais presque. C'est la belle, celle qui veut conquérir le monde et qui sait qu'elle peut y arriver. Elevée par une mère ancienne reine de beauté, elle ressemble à une poupée Barbie. Mais, à l'intérieur, Bea est bien plus que l'écervelée que les gens voient. Tous ou presque opposent les deux jeunes filles, et pourtant, suite au vol d'une paire de jean's, elles vont devenir amies. La vie, comme on l'apprend très tôt, finira tout de même par les séparer, Bea devenant la Rosetti, influenceuse avant l'heure et star des réseaux tandis qu'Elisa verra ses rêves de devenir écrivaine partir en fumée et deviendra prof à Bologne.

Comme je le disais, le roman me parle beaucoup. Parce que j'ai le même âge qu'Elisa (nous sommes née en 1986), parce qu'on parle de l'adolescence durant le début des années 2000 (sur ce point, j'ai parfois ris d'ailleurs, la mode italienne et française n'était pas si éloignée que ça et j'ai retrouvé quelques référence musicale)(faut dire qu'Elisa écoute the Offsprings ou Blink-182, comme j'ai pu le faire à l'époque). Mais surtout, je me suis identifiée à Elisa. Et là se pose un problème, comment vous parlez du roman sans parler de ça ? Oui, c'est compliqué. Mais Elisa, c'est la fille un peu à l'écart qui rêve d'écrire, celle qui reste dans l'ombre de son amie, qui quoiqu'elle fasse, n'en sort pas. C'est la "moche", la pas intéressante. Eblouie par l'autre, on ne la remarque pas, ou presque. Et elle, elle se complait dans ce rôle, ne se rend pas toujours compte de ce qu'il se passe. Bea, à ses côtés, c'est le soleil, celle sur qui on va se retourner. Alors, moi, ça m'a parlé, parce que j'ai été Elisa, en bien des sens. Pas pour tout, non plus. Mais, je l'ai comprise. Tout comme j'ai pu comprendre Bea sur la fin aussi. Parce qu'il ne faut pas croire, mais ces amitiés-là, elles deviennent toxiques pour les deux côtés, pas juste pour une des personnes. 

Et si nous suivons Elisa, si c'est pour elle que nous avons le plus d'empathie, elle n'en oublie pas non plus Bea. Parce que sous les apparences, Bea est aussi sensible que son amie. Elle a tout autant besoin d'elle qu'Elisa de Bea. C'est à travers les deux que nous allons expérimenter l'abandon, par la mère, d'abord, celle d'Elisa la laissant à T pour repartir à Biella, celle de Bea, qui semble ne voir que la "poupée" en sa fille et qui sera emportée par un cancer. Puis ceux des rêves et des aspirations mais aussi des illusions. Pour les deux jeunes femmes, ça se fait de manière souvent différentes, mais ça se fait. Et on a mal pour les deux tout le long du roman. Ce thème, celui de l'abandon et de sa perte va nous conduite des années 2000 à 2019. Et ça résonne forcément.

On ajoute enfin à tout cela l'écriture de Silvia Avallone et la traduction de Françoise Brun (qui la traduit depuis le début). Depuis d'Acier et ses premières armes, Avallone a fait évoluer son écriture tout en gardant ce que j'aime chez elle, cette modernité de ton avec cette jolie touche de poésie qui rend même les pires moments beaux. Cette vision sans fioriture de la jeunesse et des désillusions. 

Au final, c'est donc un nouveau coup de cœur. Presque à la hauteur de celui que j'ai pu avoir pour Marina Bellezza (déjà six ans que j'ai pu le lire et franchement, et je ne me le suis toujours pas sorti de la tête). Il a su me prendre aux tripes, me parler comme pas possible. Franchement, si vous ne connaissez pas Avallone, n'hésitez pas à le lire.


mardi 3 juillet 2018

La vie parfaite, Silvia Avallone

Depuis ma découverte de l'autrice avec D'Acier, je suis son actualité. Comment j'ai pu raté la sortie de son dernier roman en avril ? Je n'en ai pas la moindre idée (enfin, si, le changement de rayon de ma libraire et le fait que je puisse m'y rendre bien moins souvent qu'avant n'aide pas). IL a fallu qu'elle aime une de mes photos de Marina Bellezza sur instagram pour que je m'en rende compte. Bref, retard rattrapé puisqu'il ne m'a fallu que deux petits jours pour lire cette vie parfaite.

La vie parfaite, Silvia Avallone

Editeur ; Liana Levi
Collection : /
Année de parution : 2018
Titre en VO : Da dove la vita è perfetta
Année de parution en VO : 2017
nombre de pages : 400

A lire si :
- Vous voulez de belles histoires
- Vous ne voulez pas que de bons sentiments
- Vous voulez de la poésie

A ne pas lire si :
- Lisez, point.

Présentation de l'éditeur

Adele monte dans le bus qui relie la cité des Lombriconi au centre de Bologne. Elle vient d'avoir 18 ans et part accoucher, seule. Parce que le père est un voyou égoïste, parce que là où elle vit tout le monde semble " né pour perdre ", parce qu'elle veut donner à son enfant la chance d'une vie meilleure, Adele est sur le point de l'abandonner. Dans son grand appartement du centre-ville, Dora, elle, n'est pas seule. Mais après des années de FIV ratées, son désir de maternité s'est transformé en obsession et mine son mariage. Entre ces deux femmes au seuil de choix cruciaux, il y a Zeno : le voisin d'Adele qui tous les soirs l'espionne depuis son balcon ; l'élève appliqué de Dora, qui connaît les frontières invisibles qui séparent la ville et les êtres. Et tous au fond cherchent la même chose. Un refuge, un lieu tranquille d'où l'on pourrait apercevoir, au loin, la vie parfaite.

Mon avis

Saches, lecteur, que je commence mon avis sans avoir encore rempli le A lire/A ne pas lire. Et quand ça arrive, c'est que j'ai beaucoup de chose à dire et que j'ai du mal à organiser ma pensée. Cela pour une bonne raison. J'ai aimé le livre, comme les précédents de l'autrice, je lui trouve quelques défauts, mais surtout j'ai du mal à en sortir. Il n'est peut-être pas aussi poignant pour moi que Marina Bellezza (qui me reste dans la tête deux ans après sa lecture quand même)(oui, ce roman-là fut une véritable claque) mais comme pour les autres, il marque et pas qu'un peu.

Silvia Avallone nous entraîne cette fois à Bologne (pour info, Marina se déroule à Biella où elle est née, D'acier à Piombino où elle a grandi et la vie parfaite à Bologne où elle vit), à la fois dans sa banlieue et dans les quartiers un peu plus chic de la ville. Elle va nous faire suivre deux femmes et leur entourage. La première, c'est Adele, 17 ans, qui vit aux Lombriconi, quartier style barre HLM, dans un petit appartement avec sa mère et sa sœur Jessica. Elle est pauvre, pense être née pour perdre. Suite à un rapport sans protection, elle tombe enceinte et ce fait larguer par son copain, petit caid qui se voit avec un avenir prodigieux dans la vente de drogue. La seconde, c'est Dora, la trentaine, handicapée, professeure et stérile. Son besoin d'enfant l'a fait plonger dans une terrible obsession qui pourrait lui coûter bien plus que son couple. Elles sont reliées toutes les deux par Zeno, le voisin d'Adele et l'élève de Dora. Un garçon solitaire, qui peu à peu va prendre de l'importance dans la vie de ces deux femmes.

Par où commencer ? IL est difficile de choisir. Disons par le thème général, celui qui se dégage le plus du livre, celui de l'exclusion. Un thème que l'autrice avait un peu abordé avec D'Acier et qu'elle va mettre en avant ici. IL y a celle des Lombriconi, des gens qui y habitent, des banlieusards. Adele et sa famille, Manuel, Zeno, Jessica ils sont tous des exclus. Pas seulement parce qu'ils vivent dans une banlieue sordide, mais parce que la vie n'est pas tendre avec eux, parce que, quoiqu'ils fassent, ils seront toujours des banlieusards, des moins que rien (du moins, c'est ce qu'ils pensent)(et qu'on veut bien leur faire penser aussi...). Il y a aussi les exclusions plus personnelles, comme pour Dora, à cause de son handicap ou Fabio son époux, qui adolescent était obèse. On se rend compte, au fur et à mesure de l'avancée du livre que ce thème-là a tellement de facette, de façon de se présenter, que presque personne n'y échappe réellement. Et pourtant. Pourtant, alors qu'on pourrait tomber dans le misérabilisme, dans la noirceur la plus totale, Silvia Avallone réussit, comme dans D'Acier, a donner des touches d'espoir à tous. C'est un des points forts de l'écriture de la jeune italienne, une des raisons qui fait que j'aime ses romans et ici, je la retrouve encore une fois.

Ensuite, il y a celui de la maternité, vu par les deux femmes et leur entourage. Du côté d'Adele, elle est non voulue, arrive trop vite, trop tôt. La jeune fille est complètement désespérée face à ce qui lui arrive. Le père s'en va, ne faisant rien d'autre que reproduire ce qu'elle a vécu avec son propre père (les pères d'Avallone sont souvent absents ou violents, j'ai remarqué), la laissant seule avec son gros ventre et ses incertitudes. A tel point qu'elle décidera de ne pas reconnaître l'enfant, de lui donner une vie meilleure que la sienne, une vie parfaite peut-être. Du côté de Dora, c'est une grossesse qui ne veut pas venir, c'est les FIV pendant cinq ans qui se soldent par un gros rien, le désespoir, la folie qui s'en suit. Et puis, ce petit espoir, celui de l'adoption et toutes les questions qui vont avec. Ici encore, l'autrice parle juste, ne cherche pas le beau ou l'incroyable. Non, elle va à l'essentiel, à ce que peut être la réalité de ces femmes, leurs doutes, leurs moment de joie, ceux de pleurs. 

Tout cela est porté par l'écriture (et la super traduction de Françoise Brun)(qui connait bien le style de l'autrice, puisqu'elle a traduit les précédents aussi) de Silvia Avallone. Un style entre le vulgaire, le "parler banlieue" et la poésie. C'est assez fort, surtout que ça porte des messages qui le sont tout autant. Mieux encore, ce mélange permet de ne pas se retrouver hors de la réalité de l'histoire. Il va tellement bien avec les personnages, avec leurs situations. C'est toujours un vrai plaisir de la lire.

Au final, oui, lecteur, j'ai eu un coup de coeur. Moins imposant que pour Marina Bellezza, je dois bien le dire, mais il est bien là. Ce troisième roman confirme le talent de l'autrice (fallait-il vraiment le confirmer ? je ne le pense pas et cela depuis D'Acier). C'est un roman génial sur la jeunesse des banlieues, sur les difficultés de la maternité (et de la paternité aussi avec le personnage de Fabio et les pères absents d'Adele, Manuel et Zeno), sur l'espoir aussi, celui qui découle d'un peu tout ça. Bref, lisez-le, lisez Silvia Avallone. 

mardi 23 août 2016

Le Lynx, Silvia Avallone

J'ai depuis un petit moment cette courte nouvelle de Silvia Avallone dans ma PAL. Pour tout dire, j'aurais voulu la lire plus tard, mais hasard du tirage au sort du prochain bouquin, je la lis maintenant. Pourquoi plus tard ? J'aime tellement Avallone que je voulais être sûre d'avoir quelque chose d'elle à lire avant un prochain roman. Tant pis, je pourrais toujours relire l'un des trois titres que j'ai d'elle.

Le Lynx, Silvia Avallone

Editeur : Liana Levi
Collection : Piccolo
Année de parution : 2012
Titre en VO : La Lince
Année de parution en VO : 2012
Nombre de pages : 60

A lire si :
- Vous voulez une nouvelle courte
- Vous voulez retrouver ou découvrir l'écriture de Silvia Avallone

A ne pas lire si :
- Vous ne voulez pas d'une relation dérangeante

Présentation de l'éditeur : 

Piero trouve dans le vol une échappatoire à sa morne vie de couple et à son passé douloureux. Une nuit, alors qu'il s'apprête à braquer une station service, il rencontre un adolescent égaré. Sa beauté et son caractère assurés le subjuguent. Piero lui propose de le suivre.

Mon avis

Il est parfois compliqué de donner un avis sur un texte aussi court. Le livre objet fait 60 pages, la nouvelle dedans 53. 53 pages, c'est tout de même assez court (surtout quand ses romans font 387 pages pour d'Acier et 544 pour Marina Bellezza), une demi-heure de lecture environ. Vite englouti en somme, et souvent vite digéré aussi. Mais Silvia Avallone arrive à faire de ce petit moment de lecture quelque chose de grand, de fort mais aussi de perturbant. 

On retrouve dans le Lynx l'écriture d'Avallone. Une écriture que j'aime particulièrement, à la fois simple et tellement vivante. L'auteure nous plonge directement dans son histoire. Il faut dire que dans une nouvelle, on a pas trop le temps de mettre en place un univers avec introduction et tout ce qui va avec. Elle fait ça à merveille. Elle me l'avait d'ailleurs prouvé avec les premiers chapitres de ces deux romans (le premier de Marina Bellezza est juste merveilleux pour ça). Nous voilà à suivre Piero, trente neuf ans, dans une voiture volée s'arrêtant sur le parking d'un restoroute.  Alors qu'il prend son temps avant de braquer la caisse, il va rencontrer Andrea, gamin de dix-huit ans, paumé. Une rencontre qui va changer la vie de l'homme. 

Avallone va petit à petit nous donner les clefs de la vie de Piero. Marié trop vite à une femme qui ne peut lui donner d'enfant, il s'échappe de sa vie morne en commettant des braquages. Il souffre aussi de l'absence du père. Tout cela est dit au fur et à mesure qu'il va découvrir un peu plus Andrea. Un Andrea tout aussi paumé que lui, gamin battu par le père, vivant à présent seul, gagnant sa vie on ne sait comment. En réalité, on n'en sera pas plus sur lui, même si je l'aurais voulu. Problème des nouvelles ça, il faut savoir ce concentrer sur une seule chose, pas cinquante. En fait, ici, elle se concentre sur deux choses, la vie de Piero, comment il en est arrivé là et l'étrange relation qu'il va avoir avec Andrea. Une relation qui peut mettre mal à l'aise. Qui m'a un peu mise mal à l'aise. Une relation qui aurait pu être celle entre un père et son fils mais qui se trouve teinté de désir de la part de Piero. Finalement, la relation entre un homme que la vie a pas mal détruit et une réplique de lui plus jeune. 

Et puis, il y a cette fin, qu'on voit venir sans la voir et toute la force de Silvia Avallone dans ses histoires. Que se soit sur du long ou sur du court comme là, elle sait parfaitement finir ses livres, sur quelque chose de fort. 

Pour conclure, j'ai apprécié cette lecture, presque autant que les deux romans de l'auteure. J'ai été un peu dérangé vers le milieu de la nouvelle par la relation assez étrange qui naît entre Piero et Andrea. En fait, il faut vraiment arriver à la fin pour mieux la comprendre et ne plus avoir ce sentiment de malaise (malaise est un mot un peu fort, mais je ne voyais pas comment dire autrement). Je trouve qu'elle a parfaitement su parler de l'abscence du père (un thème qui revient beaucoup dans Marina Bellezza d'ailleurs). J'ai aimé, et comme souvent quand j'arrive à la fin d'un Avallone, j'en veux plus !

lundi 6 juin 2016

Marina Bellezza, Silvia Avallone

J'avais eu un gros coup de cœur à la lecture de D'acier, le premier roman de l'autrice italienne. J'ai longuement hésité à prendre la version GF de son dernier roman jusqu'à l'arrivée de la version poche (qui va mieux avec mon exemplaire de D'acier). Je n'ai pas mis bien longtemps à le sortir de ma PAL et même si j'ai fini le livre samedi, je suis encore dedans.

Marina Bellezza, Silvia Avallone

Editeur : Liana Levi
Colleciton : Piccolo
Année de parution : 2016 pour la version poche
Titre en VO : Marina Bellezza
Année de parution en VO : 2014
Nombre de pages : 544

A lire si :
- Vous voulez découvrir une partie du Piémont Italien
- Vous voulez une belle histoire d'amour mais pas que
- Vous voulez des personnages authentiques

A ne pas lire si :
- Rien du tout, lisez le.

Présentation de l'éditeur : 


L’avenir est à réinventer dans cette vallée coincée entre des montagnes de granit. Une départementale bordée par les carcasses des filatures abandonnées mène à des villages silencieux, un no man’s land aux confins de l’Italie. Pour Marina, vingt-deux ans, un corps et une voix de déesse, le futur se joue résolument ailleurs. Sur les plateaux de télé qui métamorphosent les starlettes de province en divas. Pour Andrea, fils d’une famille de notables, l’Eldorado est à portée de main. Dans la ferme d’alpage de son grand-père. Mais les rêves de ces deux héros contemporains se cognent à l’amour impossible qui les unit depuis l’adolescence.
Silvia Avallone se montre une fois encore incroyablement douée pour cerner les failles de notre époque et les doutes de sa génération. Avec une profonde empathie pour ses personnages, elle compose un deuxième roman fougueux autour des thèmes de l’enracinement et de l’abandon.


Mon avis

Il est toujours très dur de parler de livre que l'on a vraiment aimé. J'ai moins de mal à donner mon avis sur des livres appréciés ou moins aimés que sur ce genre là. Il est encore plus dur de le faire sur des livres qui nous habitent même après lecture. Déjà que pendant la lecture, je n'attendais qu'une chose, l'heure de me mettre au lit pour pouvoir continuer cette histoire, après la fin, je suis toujours hantée par elle.

Marina Bellezza, c'est l'histoire de deux jeunes gens dans le Piémont Italien. Elle, qui donne son nom au livre, a vingt deux ans et compte devenir la nouvelle star de la chanson italienne. Lui, Andrea, vingt sept ans, ne rêve que de la ferme de son grand-père et des alpages. Tout semble les opposer et pourtant, depuis sept ans, ils vivent une relation amour-haine intense. Marina Bellezza pourrait se présenter comme un beau roman d'amour entre ces deux-là. Ce n'est pas le cas. Oui, il y a leur histoire mais il y a plus que ça. Et c'est ce plus qui m'a embarqué là-dedans.

Silvia Avallone est née et a grandi dans la région de Biella avant de déménager à Piombino (le nom doit vous dire quelque chose, il s'agit de la ville d'Anna et Fransceca, les héroïnes de D'acier). Elle choisit cette région-là pour son second amour et lui fait une véritable déclaration d'amour. Dès le premier chapitre, nous voilà embarqué dans le Piémont ravagé par la crise mais pourtant magnifique. Elle nous parle de cette terre, de ses habitants avec une infinie tendresse même lorsqu'il s'agit de dire les travers, la désolation, l'abandon par des italiens qui veulent voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Elle le fait tout autant en parlant de ces jeunes qui reviennent sur les terres de leurs ancêtres afin de les faire revivre, qui embrasse la carrière difficile de marcaire (éleveurs de vaches et producteurs de fromage). Son histoire est portée par ce retour au pays de jeunes qui n'ont de toute façon plus rien à perdre.

Ces jeunes, ils sont représentés par Andrea. Andrea, le personnage qui m'a le plus parlé, bien plus que Marina. Il est, pour moi, le personnage central, bien plus qu'elle. C'est lui que l'on suit le plus souvent, c'est lui qui nous fait découvrir sa région. C'est un personnage a qui l'on s'attache vraiment de part son opiniâtreté mais aussi son amour pour Marina qui a tendance a détruire ce qu'il entreprend. Marina est l’élément perturbateur. Elle rêve de devenir visible, d'être connue, et pour cela, elle est prête à tout, même à laisser tomber ceux qui l'entoure, à détruire tout autour d'elle. C'est un personnage intéressant, remplie d'ombres, au passé dramatique. Malheureusement, c'est aussi une belle tête à claque (ce qui peut la rendre attachante tout comme particulièrement chiante). 

Mais les deux ont plus que leur amour destructeur comme point commun. Abandonnés, l'un par son père qui ne voit en lui que le mauvais fils, par son frère, parti vivre sa vie aux Etats-Unis, l'autre par un père volage et une mère alcoolique, ils se sont construits sur ce sentiment-là, ont beaucoup de mal à pardonner l'un et l'autre et surtout n'arrive pas à s'en sortir. Est-ce pour cela que Marina finit une nouvelle fois par laisser Andrea en plan ? Qu'elle fuit tout ce qui pourrait lui apporter du bonheur ? Surement. C'est aussi ça qui fait qu'Andrea justement veut mener sa propre vie, loin de ce que son père veut pour lui, loin de ce que représente son frère à ses yeux. Chacun à leur façon, ils vont faire en sorte d'oublier cela sans vraiment y parvenir. 

Il y a aussi les personnages secondaires, ceux dont on ne découvre qu'une petite partie. Il y a les parents des deux jeunes gens, représentant la vieille italie, celle qui finalement baisse les bras. Il y a Elsa, rivale et colocataire de Marina. C'est un personnage touchant, amoureuse d'Andrea depuis le lycée, de sa région depuis toujours. C'est peut-être aussi la plus lucide de tous. On retrouve aussi Sebastiano et Lucas, les amis d'Andrea, bloqués comme lui à Biella mais qui ne semblent pas vouloir faire grand chose pour changer ça. Une galerie plutôt complète pour peintre ce paysage italien sur fond de drame amoureux.

Et enfin, il y a l'écriture de Silvia Avallone. Mon coup de cœur pour celle-ci à la lecture de D'acier n'a absolument pas changé. Ni pour le talent de sa traductrice, Françoise Brun. C'est toujours aussi beau, emplie d'une poésie que je ne peux qu'apprécier. C'est aussi très vivant, très imagé. Et puis, elle écrit de manière fluide, agréable, qui donne envie de continuer jusqu'à pas d'heure.

Vous l'aurez compris, ce fut pour moi un énorme coup de cœur. Le roman me parle énormément et pas seulement à cause de mes racines italiennes (ma famille du côté de mon grand-père maternel vient du Piémont, de Cesana Torinese à côté de la frontière avec la France). Comme pour D'acier, il y a là-dedans quelque chose de merveilleux, de beaux malgré des dehors moins enchanteurs. Et puis, il faut bien le dire la plume de Silvia Avallone est tout bonnement géniale.

Le désir fait partie de la vie, au même titre que la violence. Devenir adulte, c'est gérer le désir et la violence 
Ils étaient tous comme ça par ici, les villages : abandonnés, volets fermés, enseignes éteintes. Eux, pourtant, ils n’avaient pas eu envie de partir, au contraire : leurs sentiments, leur sens de l’orientation, tout leur était dicté par ces routes, par ces montagnes. 
L'idylle, par définition, ne peut pas durer. Mais elle advient.

vendredi 9 janvier 2015

D'acier, Sylvia Avallone

Je me souviens avoir pris le livre au départ pour sa couverture. Et puis, j'avais vraiment envie de voir ce que les italiens pouvaient écrire. Et puis, la quatrième était sympa aussi...

D'acier, Sylvia Avallone

Editeur : Liana Lévi
Collection : Piccolo
Année de parution : 2011
Titre en VO : Acciaio
Date de parution en VO : 2010

A lire si :
- Vous voulez une histoire d'adolescente mais pas que
- Vous voulez une belle histoire d'amitié
- Vous n'avez pas peur de plonger dans les banlieues italiennes

A ne pas lire si : 
- Vous voulez un livre optimiste en tout

Présentation de l'éditeur :

Il y a la Méditerranée, la lumière, l’île d’Elbe au loin. Mais ce n’est pas un lieu de vacances. C’est une terre sur laquelle ont poussé brutalement les usines et les barres de béton. Depuis les balcons uniformes, on a vue sur la mer, sur les jeux des enfants qui ont fait de la plage leur cour de récréation. La plage, une scène idéale pour la jeunesse de Piombino. Entre drague et petites combines, les garçons se rêvent en chefs de bandes, les filles en starlettes de la télévision. De quoi oublier les conditions de travail à l’aciérie, les mères accablées, les pères démissionnaires, le délitement environnant… Anna et Francesca, bientôt quatorze ans, sont les souveraines de ce royaume cabossé. Ensemble, elles jouent de leur éclatante beauté, rêvent d’évasion et parient sur une amitié inconditionnelle pour s’emparer de l’avenir

Mon avis 

Depuis que j'ai lu Comme Dieu le Veut et que j'ai donc découvert un peu la littérature italienne, j'ai très envie d'en découvrir plus. J'ai acheté D'acier il y a quelques temps déjà, attirée par la couverture. La quatrième me plaisait aussi. J'aime toujours les histoires "prolétaires", celle dont les personnages se rapprochent un peu plus de moi que les jeunes beaux, riches et parfois crétins. 

D'acier, c'est avant tout l'histoire d'Anna et Francesca durant une année, celle de leur quatorze ans. C'est aussi celle de leurs familles, les hommes travaillent à la Lucchini, l'usine tentaculaire d'acier, les mères sont ou à la maison ou au travail. On va les suivre, tous, durant une année complète, celle où l'amitié des deux filles va prendre un coup, où elles vont passer de l'enfance à l'âge adulte, celle aussi où les tours jumelles vont être détruites. Et si Anna et Fransceca tiennent le devant de la scène, on ne va pas oublier les autres habitants de Via Stalingrado et la misère qui s'en échappe. 

La première chose qui frappe dans ce roman, le premier de Sylvia Avallone, c'est le style de l'auteure. Au début, il surprend, parce qu'elle mélange les points de vue allégrement, qu'elle passe d'une écriture recherchée à plus "vulgaire". Et puis, on s'y habitue très vite, elle nous donne le ton, et c'est parti. Il est vrai que parfois, on peut se perdre un peu, mais, c'est le genre d'écriture que j'apprécie aussi, une écriture vivante, qui te plonge direct dans la tête du personnage, dans le roman. Le style donne beaucoup au roman, il lui donne son âpreté mais aussi sa poésie.

Ensuite, passons aux histoires. Car si Anna et Fransceca sont les seules à apparaitre dans la quatrième, ce ne sont pas les seules que l'on va suivre. Elles vont être le fils rouge du livre, c'est tout leur entourage que l'on va suivre. Celui d'Anna se compose de son frère Alessio, travailleur à la Lucchini, vingt et quelques années, qui me fait penser à l'italien de base, le gros cliché quoi. Il sort en boite régulièrement, se drogue, c'est le gros macho, le roi de la cité. Il y a aussi son père, qui fait parti de la mafia locale et qui les laisse régulièrement tomber et sa mère, qui travaille, qui voudrait divorcer mais qui toujours retombe dans les bras de son mari. Côté Fransceca, la vie est bien moins simple. Le père est violent, bat femme et enfant, surveille sa fille à l'aide de jumelle lorsqu'elle est à la plage. La mère est au foyer, pauvre chose qui se laisse faire sans jamais rien dire, qui se promet de s'enfuir, de porter plainte mais ne le fait jamais. Autour d'elles, il y aussi les adolescents du quartier, ceux de l'âge des filles, les boudins dont Lisa (les filles "moches"), Massi et Nino, les garçons qui rêvent de prendre la place d'Alessio et de sa bande, Cristiano et Mattia, les amis d'Alessio... Avec tout ce petit monde permet de donner une bonne vue de ce qu'il se passe Via Stalingrado et aussi ailleurs finalement, car si le lieu existe, ce n'est pas le seul à être comme lui.

Et puis, le livre nous parle aussi du passage de l'enfance à l'âge adulte, de l'amitié exclusive entre deux jeune filles. Tout ne se passe pas bien pour elles. En une année, elles vont grandir, perdre leur innocence (et leur virginité aussi), découvrir le monde des adultes, découvrir la cruauté de celui-ci mais aussi, parfois, ce qu'il peut avoir de beau. L'histoire de ces deux jeunes filles est touchante, vraiment. Tout comme l'est celle de leur entourage. Sylvia Avallone ne tombe pas dans le misérabilisme (vu le sujet, elle aurait pu), elle ne tombe pas non plus dans le "tout est noir". Elle réussit à mettre du soleil dans ce qu'elle écrit, parfois dans une seule phrase, parfois sur tout un chapitre. Elle insuffle un peu d'espoir dans un monde qui semble ne pas en avoir. 

Cela en fait du coup non pas un livre triste (même si j'ai bien failli versé ma larme à plusieurs moments) mais quelque chose de vrai et même de solaire. Les histoires y sont belles, malgré la noirceur de beaucoup. Bref, j'ai aimé, beaucoup beaucoup, et j'espère pouvoir lire d'autres bouquins de l'auteure.

"Ça veut dire quoi, grandir dans un ensemble de quatre barres d'immeubles d'où tombent des morceaux de balcon et d'amiante, dans une cour où les enfants jouent à côté des jeunes qui dealent et des vieilles qui puent? Quel genre d'idée tu te fais de la vie, dans un endroit où il est normal de na pas partir en vacances, de ne pas aller au cinéma, de ne rien savoir du monde, de ne pas feuilleter les journaux, de ne pas lire de livre, où la question de ne pose même pas?"