mercredi 24 août 2022

Une amitié, Silvia Avallone

 Je n'ai pas lu de roman hors SFFF depuis au moins un an (le dernier ouvrage qui n'en soit pas a été le journal d'écriture de Virginia Woolf, en aout de l'année dernière)(en roman pur, il faut remonter à janvier 2021). J'ai eu un peu peur de retourner à la littérature blanche et cela s'est vu au temps qu'une Amitié est restée dans ma PAL (je l'avais acheté le jour de sa sortie, en janvier de cette année) alors que j'adore l'autrice et ses précédents romans. Peut-être aussi parce que j'avais eu un peu plus de mal avec la Vie Parfaite, le roman précédent, que j'avais aimé mais qui n'avait pas eu le même impact que le si génial Marina Bellezza

Une amitié, Silvia Avallone

Edition : Liana Levi
Collection : Piccolo
Année de parution : 2022
Titre en VO :  un'amicizia
Année de parution en VO : 2021
Nombre de pages : 528

A lire si : 
- Vous voulez un roman sur les amitiés adolescentes
- Vous ne voulez pas forcément de quelque chose de beau

A ne pas lire si 
- Vous ne voulez pas d'un roman à la première personne

Présentation de l'éditeur : 

Les amitiés de l’adolescence sont les plus fortes. On échange expériences, secrets et vêtements, tout en se projetant dans un futur rempli d’espoirs. Elisa et Beatrice, les deux héroïnes de ce roman, n’y font pas exception. Bien que leurs histoires familiales diffèrent totalement – la première a été élevée par une mère aimante mais fantasque et indifférente aux apparences, la seconde par une mère qui surinvestit le paraître et transforme sa fille en poupée Barbie –, elles ont noué un lien fusionnel. Et cela jusqu’au jour où un changement planétaire, Internet, fait irruption dans leur vie. Elisa continuera à faire partie du «monde d’hier», celui qui valorise les livres et la culture, tandis que Beatrice se lancera tête baissée dans l’aventure du «monde nouveau», celui qui pousse sur le devant de la scène influenceurs et réseaux. Et ces courants contraires les entraîneront vers des destins opposés.

Mon avis

S'il y a une chose qui me marque toujours dans les romans de Silvia Avallone, ce sont les débuts. L'incipit de Marina Bellezza me hante toujours et je pense que celui de une amitié restera tout aussi longtemps. L'autrice m'a happé alors même que je n'avais lu que deux phrases. Et elle ne m'a lâché que lorsque j'ai refermé le roman, à la fin de la page 528. Mais il faut dire que ce roman a quelque chose de particulier. Des relents de vécu, quelque chose que j'aurais bien mis de côté encore quelques années. Je crois d'ailleurs qu'on a toutes (et peut-être tous) vécu ça, ce genre d'amitié, à l'adolescence. Vous savez, une amitié qui prend le pas sur tout, qui éclipse tout et puis qui disparait, souvent brisé par l'une des deux parties pour une raison que personne ou presque ne comprends vraiment. Et bien, c'est cela que va raconter l'autrice dans ce roman. Il rejoint en cela son premier roman, d'Acier, qui avait pour fils rouge une amitié adolescente déjà. Mais d'Acier ne faisait que l'effleurer, parlant plus de la jeunesse de Piombino que juste des deux filles. Ici, Avallone va plus loin et raconte les années lycéennes de Béa et Elisa, de la naissance de leur amitié à sa fin et même un peu plus. 

Pour cela, elle nous place direct dans la peau d'Elisa. Elisa a quatorze ans lorsque sa mère la laisse chez son père, dans la ville cotière de T (alors, j'ai cherché, j'ai pas trouvé, mais elle se situe probablement non loin de Piombino puisque, comme elle, T a pour voisine l'île d'Elbe et la méditerranée). La séparation est déchirante. Elisa ne connait pas son père et elle doit faire face à l'abandon de sa mère et de son frère. C'est là qu'entre en scène Beatrice. Bea, c'est la fille pas populaire mais presque. C'est la belle, celle qui veut conquérir le monde et qui sait qu'elle peut y arriver. Elevée par une mère ancienne reine de beauté, elle ressemble à une poupée Barbie. Mais, à l'intérieur, Bea est bien plus que l'écervelée que les gens voient. Tous ou presque opposent les deux jeunes filles, et pourtant, suite au vol d'une paire de jean's, elles vont devenir amies. La vie, comme on l'apprend très tôt, finira tout de même par les séparer, Bea devenant la Rosetti, influenceuse avant l'heure et star des réseaux tandis qu'Elisa verra ses rêves de devenir écrivaine partir en fumée et deviendra prof à Bologne.

Comme je le disais, le roman me parle beaucoup. Parce que j'ai le même âge qu'Elisa (nous sommes née en 1986), parce qu'on parle de l'adolescence durant le début des années 2000 (sur ce point, j'ai parfois ris d'ailleurs, la mode italienne et française n'était pas si éloignée que ça et j'ai retrouvé quelques référence musicale)(faut dire qu'Elisa écoute the Offsprings ou Blink-182, comme j'ai pu le faire à l'époque). Mais surtout, je me suis identifiée à Elisa. Et là se pose un problème, comment vous parlez du roman sans parler de ça ? Oui, c'est compliqué. Mais Elisa, c'est la fille un peu à l'écart qui rêve d'écrire, celle qui reste dans l'ombre de son amie, qui quoiqu'elle fasse, n'en sort pas. C'est la "moche", la pas intéressante. Eblouie par l'autre, on ne la remarque pas, ou presque. Et elle, elle se complait dans ce rôle, ne se rend pas toujours compte de ce qu'il se passe. Bea, à ses côtés, c'est le soleil, celle sur qui on va se retourner. Alors, moi, ça m'a parlé, parce que j'ai été Elisa, en bien des sens. Pas pour tout, non plus. Mais, je l'ai comprise. Tout comme j'ai pu comprendre Bea sur la fin aussi. Parce qu'il ne faut pas croire, mais ces amitiés-là, elles deviennent toxiques pour les deux côtés, pas juste pour une des personnes. 

Et si nous suivons Elisa, si c'est pour elle que nous avons le plus d'empathie, elle n'en oublie pas non plus Bea. Parce que sous les apparences, Bea est aussi sensible que son amie. Elle a tout autant besoin d'elle qu'Elisa de Bea. C'est à travers les deux que nous allons expérimenter l'abandon, par la mère, d'abord, celle d'Elisa la laissant à T pour repartir à Biella, celle de Bea, qui semble ne voir que la "poupée" en sa fille et qui sera emportée par un cancer. Puis ceux des rêves et des aspirations mais aussi des illusions. Pour les deux jeunes femmes, ça se fait de manière souvent différentes, mais ça se fait. Et on a mal pour les deux tout le long du roman. Ce thème, celui de l'abandon et de sa perte va nous conduite des années 2000 à 2019. Et ça résonne forcément.

On ajoute enfin à tout cela l'écriture de Silvia Avallone et la traduction de Françoise Brun (qui la traduit depuis le début). Depuis d'Acier et ses premières armes, Avallone a fait évoluer son écriture tout en gardant ce que j'aime chez elle, cette modernité de ton avec cette jolie touche de poésie qui rend même les pires moments beaux. Cette vision sans fioriture de la jeunesse et des désillusions. 

Au final, c'est donc un nouveau coup de cœur. Presque à la hauteur de celui que j'ai pu avoir pour Marina Bellezza (déjà six ans que j'ai pu le lire et franchement, et je ne me le suis toujours pas sorti de la tête). Il a su me prendre aux tripes, me parler comme pas possible. Franchement, si vous ne connaissez pas Avallone, n'hésitez pas à le lire.


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