J'ai eu un immense coup de coeur pour la plume de Jaworski lorsque j'ai lu son Gagner la Guerre. Coup de coeur confirmé avec la lecture, quelques temps plus tard de Même pas Mort. Il fallait donc que je sorte enfin de ma PAL son recueil de nouvelles Janua Vera, sorte de premier tome au Récit du Vieux Royaume.
Janua Vera, Récit du Vieux Royaume, tome 1, Jean-Phillipe Jaworski
Editeur : Folio
Collection : SF
Année de parution : 2015 pour cette édition
Nombre de pages : 488
A lire si :
- Vous aimez les nouvelles
- Vous aimez la fantasy
- Vous avez lu et aimé Gagner la Guerre (mais c'est optionnel)
A ne pas lire si :
- Vous avez du mal avec l'écriture dense et parfaitement maîtrisé, peut-être trop parfois.
Présentation de l'éditeur :
Né du rêve d'un conquérant, le Vieux Royaume n'est plus que le souvenir de sa grandeur passée... Une poussière de fiefs, de bourgs et de cités a fleuri parmi ses ruines, une société féodale et chamarrée où des héros nobles ou humbles, brutaux ou érudits, se dressent contre leur destin. Ainsi Benvenuto l'assassin trempe dans un complot dont il risque d'être la première victime, Aedan le chevalier défend l'honneur des dames, Cecht le guerrier affronte ses fantômes au milieu des tueries... Ils plongent dans les intrigues, les cultes et les guerres du Vieux Royaume. Et dans ses mystères, dont les clefs se nichent au plus profond du cœur humain...
Mon avis
Janua Vera est présenté comme le "tome 1" de Gagner la Guerre. C'est surtout une manière de découvrir un peu plus le Vieux-Royaume dans son ensemble. Gagner la Guerre se concentre surtout sur Ciudala mais Jean-Philippe Jaworski a créé tout un univers autour. Ce recueil permet de le découvrir. En plus de cela, pas besoin d'avoir lu le roman pour se plonger dans l'univers de l'auteur.
Avant de faire un avis plus général, passons d'abord sur les nouvelles, huit en tout, et assez longues pour la plupart.
Janua Vera
La nouvelle qui commence le recueil et dont il porte le nom nous conte la déchéance d'un Roi-Dieu. L'homme élevé au rang de dieu a réussi par le sang et la force à unir toutes les contrées du vieux royaume. Mais il souffre d'un étrange mal. Il rêve, chose qui ne lui est plus arrivé depuis qu'il est un dieu.
Cette première nouvelle nous plonge directement dans l'écriture de Jaworski. Elle est dense, avec des descriptions détaillées et parfaitement écrite. La richesse de la nouvelle est incroyable. J'ai aimé le parallèle entre la chute du royaume de Leomance, qui commence à se disloquer après une grande gloire et les derniers moments de son Roi-Dieu.
Mauvaise Donne
La seconde nouvelle du recueil met en scène un personnage que les lecteurs de Gagner la Guerre connaisse bien, j'ai nommé Benvenuto Gesufal, l'assassin à la gouaille parfaite qui se met toujours dans un pétrin pas possible par la faute des grands de ce monde. Cette fois, il nous raconte comment il s'est retrouvé au service de Ducatore et aussi, finalement, comment la fameuse guerre gagner dans le roman a vu le jour.
Forcément avec Benvenuto, je ne peux qu'aimer la nouvelle, tant j'aime le personnage. En plus de cela, elle est particulièrement efficace, petit mélange de thriller et de fantasy.
Le service des Dames
Cette nouvelle se déroule à Bromael, duché voisin de Ciudala. On y fait la connaissance d'AEdan, un chevalier. Celui-ci, voulant passer un guet sans perdre trop de temps se retrouve au milieu d'une vengeance.
Ici, Jaworski se penche sur la chevalerie courtoise avec un chevalier qui serait prêt à tout pour faire plaisir à une dame. Mais la dite dame ne lui dit pas la vérité et le voilà prit dans un sacré bourbier.
Chose amusante, on retrouve dans la nouvelle un nom déjà vu dans Mauvaise Donne. Chose qui se reverra dans la nouvelle suivante.
Une Offrande très précieuse
Cette fois, nous voilà du côté des Ouromagne, voisin cette fois de Bromael, voisin et surtout ennemi. Cecht réussit à fuir un champ de bataille avec l'un de ses compatriotes. Sauf que celui-ci est sur le point de mourir. Alors qu'il finit par le laisser seul, il va rencontrer dans la foret une étrange vieille femme. Celle-ci lui affirme pouvoir soigner son compagnon, le seul à pouvoir les ramener chez eux, mais pour cela, il va devoir aller dans un vieux temple cherché une offrande.
Si la nouvelle est finalement très classique, elle n'en est pas moins efficace et pleine d'émotion. Niveau connexion avec Le Service des Dames et Mauvaise Donne, on retrouve le siège de Kaellsbruck (Benvenuto y était) mais aussi le chevalier aux épines qui semble être AEdan.
Le conte de Suzelle
Voilà une nouvelle faisant appel au conte de fées. Suzelle, petite fille plutôt remuante, rencontre par hasard ce qui semblerait être un elfe (dans le style Tolkien). Elle va passer sa vie à attendre le retour de celui-ci. Vie que nous allons découvrir, de son enfance, à son mariage forcé, la naissance de ses enfants, la mort de son fils cadet et puis, l'exil qu'elle s'impose jusqu'au dernier moment. La chute est prévisible, mais on se laisse prendre au jeu et dans la vie de Suzelle. C'est mignon et finalement, ça change un peu des premières nouvelles, plus sombres.
Jour de Guigne
Jour de Guigne est la nouvelle la plus légère du recueil. Maitre Calame, un copiste, ce voit atteint du Syndrôme de Palimpseste. Le pauvre homme, pour avoir copié un texte sur un parchemin "d'occasion", il écope d'une malédiction qui fait de lui l'homme le plus malchanceux de tout le Vieux-Royaume. C'est frais, c'est drôle, ça fait penser à du Pratchett. Et ça fait du bien.
Un Amour Dévorant
Nous revenons dans un registre plus sérieux. Un Amour Dévorant flirte avec le fantastique. A Noant-le-Vieux, les habitants vivent avec la peur des Appeleurs, des fantômes d'un temps lointain qui parcourent la forêt en quête d'une jeune femme. Un homme, serviteur du Desséché (l'un des dieux du Vieux-Royaume) va mener son enquête. C'est une nouvelle assez angoissante, plutôt noire, qui me fait un peu penser à du Lovecraft en terre fantasy. Même si elle est somme toute classique dans son thème, elle fonctionne parfaitement.
Le Confident
La dernière nouvelle du recueil nous plonge dans le noir. On y suit un membre du culte du Desséché qui s'est volontairement plongé dans le noir le plus total pour devenir un confident. C'est une histoire à nouveau angoissante, plus par son ambiance clause et obscure que par son thème (et encore). C'est aussi malheureusement, celle que j'ai le moins apprécié. J'ai eu beaucoup de mal à entrée dedans malgré une histoire qui me semble pourtant intéressante.
Le recueil en entier est un véritable petit bijou. Jaworski est un conteur fabuleux avec une maîtrise des mots qui me rend assez jalouse. Le travail effectué sur chaque nouvelle est assez dingue, que se soit dans le choix des phrases, des mots, des tournures, mais aussi dans la création des personnages ou des lieux. Tout est maitrisé chez Jaworski et cela donne vraiment quelque chose de passionnant. Je pense aussi que, malheureusement, cela peut en rebuter certain. Ce n'est pas mon cas, bien sûr, vu que j'adore ce genre de texte. Sans parler de la technique, j'ai vraiment aimé presque toutes les nouvelles. Le Vieux-Royaume est fait de divers pays ayant chacun sa culture bien définie mais communicant entre eux et finalement à la fois différent et semblable. J'ai aussi apprécié que certaines nouvelles soient connectées entre elles et qu'elles nous éclairent un peu plus ainsi sur quelques épisodes marquants pour le Sénateur Ducatore (le siège de Kaellsbruck).
Au final donc, c'est un excellent recueil, un complément ou une première approche parfaite pour Gagner la Guerre. La seule chose que je regrette, c'est que par rapport à l'édition original des Moutons Électriques, il manque deux nouvelles et l'introduction par Benvenuto dans l'édition Folio (une raison pour acheter la version des Moutons, pourquoi pas pour Noël...).
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