mercredi 23 mars 2016

Dragon, Thomas Day

Ai-je déjà dit que j'aimais beaucoup les écrits de Thomas Day ? Surement, oui. Quand j'ai vu ce petit livre sur les étagères de la librairie, je n'ai pas réfléchi (réfléchi-t-on réellement lorsqu'on prend un livre ?), il a attiré dans mon panier.

Dragon, Thomas Day

Editeur : Le Belial'
Collection : Une heure lumière
Année de parution : 2016
Nombre de pages : 152

A lire si :
- Vous voulez un texte court mais percutant
- Vous ne voulez pas qu'une enquête policière
- Vous aimez la violence à un certain degrés

A ne pas lire si :
- Vous voulez quelque chose de totalement imprévisible

Présentation de l'éditeur : 

Bangkok. Demain.
Le régime politique vient de changer.
Le dérèglement climatique global a enfanté une mousson qui n’en finit plus.
Dans la mégapole thaïlandaise pour partie inondée, un assassin implacable s’attaque à la facette la plus sordide du tourisme sexuel. Pour le lieutenant Tannhäuser Ruedpokanon, chargé de mettre fin aux agissements de ce qui semble bien être un tueur en série, la chasse à l’homme peut commencer. Mais celui que la presse appelle Dragon, en référence à la carte de visite qu’il laisse sur chacune de ses victimes, est-il seulement un homme ?

Mon avis

Cette année, les éditions Bélial s'offre une nouvelle collection mettant en avant des textes courts. Dragon fait parti des premiers textes de cette collection. Ce genre de roman, qui se lit vite, me plait beaucoup. Même si j'aime les longues séries ou les gros pavés, je ne suis jamais contre un petit roman, surtout si celui-ci est percutant. Bon en plus de ça, je suis fan des couvertures, créée par Aurélien Police (j'aime les illustrations d'Aurélien Police depuis très longtemps). Mais le texte est-il à la hauteur de la couverture et du format, aussi alléchants soient-ils ?

L'histoire se déroule à Bangkok dans un futur plus ou moins proche. Une Bangkok envahit par la mousson où, pour que les touristes aient les pieds au sec, on hésite pas à noyer une partie de la ville. Une Bangkok moite, humide, viciée à l'ambiance sombre. Dans cette ville, un homme s'attaque au tourisme sexuel, plus particulièrement à la pédophilie. Seul, il entre en guerre. Mais pour ne pas entacher un touriste qui renaît, même si c'est le pire de tous, les autorités lancent à ses trousses Tann Ruedpokanon afin de le tuer sans faire de trace, à la thaïlandaise. Commence alors le jeu du chat et de la souris entre le flic et Dragon.

Le livre est percutant. Percutant par sa forme, avec des numéros de chapitre qui ne se suivent pas (le livre peut être lu comme cela, ou par ordre chronologique), une violence toujours présente mais jamais gratuite (c'est souvent le cas avec Thomas Day d'ailleurs, ses textes sont violents, on est bien d'accord, mais pas juste pour l'être, il y a toujours quelque chose derrière) et une enquête bien menée, intéressante à lire. Mais il l'est surtout par son fond. Dragon réveille les consciences, ouvre les yeux sur un fléau dont on ne parle pas forcément souvent dans notre vieille Europe : la prostitution enfantine. Sur ça et sur la manière dont certains ferment les yeux, pour remettre une économie à flot (vaste sujet que le tourisme sexuel, qu'il soit enfantin ou pas). Si Dragon tue les proxénètes et les clients, c'est pour ouvrir les yeux du monde, de tout le monde. C'est pour sauver ces gamins, objets sexuels que l'on drogue ou alcoolisé afin de les rendre plus docile. Alors oui, les méthodes ne sont peut-être pas les bonnes, on ne combat pas le mal par le mal, mais en même temps, dans cette Bangkok futuriste, personne si ce n'est une ONG ne semble vouloir faire quelque chose contre cela. Et du coup, la question se pose quand même (un peu comme dans Daemone où le héros se demande s'il doit réellement devenir un assassin pour retrouver l'être aimé).

Le format de ce texte est donc particulièrement intéressant puisqu'il permet à l'auteur de ne pas appesantir sur certains aspect qui aurait desservi les thèmes. D'ailleurs, il n'y a pas que celui de la prostitution enfantine. On retrouve beaucoup de chose qui font la Thaïlande d'aujourd'hui. Tann, le héros, est à la recherche de liberté mais aussi d'un idéal amoureux en la personne du ladyboy parfait. Ainsi, nous voilà à réfléchir à la question du genre, mais aussi de la tolérance envers ces personnes. En Thaïlande, les transexuels ne sont pas des parias comme ils pourraient l'être chez nous, on dit merci au bouddhisme et au gouvernement qui n'a jamais interdit l'homosexualité d'une manière ou d'une autre (et ça, c'est franchement génial). Tann est vraiment un personnage intéressant, un personnage qui sans forcément être attachant est plutôt proche de pas mal de lecteurs par ses interrogations, ses paroles... Dragon quant à lui, est tout aussi intéressant bien que plus en arrière et plus classique dans sa construction. Il n'en reste pas moins qu'il pose la question du mal pour le mal auquel chacun pourra répondre à sa convenance.

Enfin, un dernier point pour Dragon, c'est son passage petit à petit de quelque chose qui se veut polar futuriste (et finalement surtout polar, parce que le côté futuriste n'est pas vraiment là sauf dans les description de Bangkok) à quelque chose d'un peu plus fantastique. Alors, on peut se demander ce qu'elle fait là mais en fait, je trouve qu'elle va particulièrement bien avec la culture animiste de certains thaï. Et pour tout dire, cela fonctionne très bien avec le reste de l'histoire.

Au final, j'ai beaucoup aimé ce court roman percutant que cela soit grâce au style de Thomas Day, que j'aime depuis le premier livre que j'ai pu lire de lui ou grâce à ses thèmes pas toujours simples. Le texte fonctionne à merveille, avec une petite touche de violence et de sexe jamais gratuite et quelque chose qui ne se veut pas moralisateur, mais "ouvreur d'yeux" (vous la sentez l'expression foireuse parce que je trouve pas le bon mot ?). Un très bon texte.

1 commentaire:

  1. "Court mais percutant"
    Tu as tout dit, je trouve que ça résume parfaitement ce livre.
    Il est vraiment puissant malgré les défauts qu'on pourrait lui reprocher. En fait on garde l'intention de l'auteur et ça efface tout le reste !
    Une très bonne lecture pour moi aussi en tout cas :)

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