lundi 3 octobre 2022

La Fileuse d'Argent, Naomi Novik

 La dernière fois que j'ai lu une réécriture de conte par l'autrice, je n'ai pas totalement su si j'avais aimé ou pas. A vrai dire, je ne le sais toujours pas, je devrais le relire pour ça. Mais ça ne m'a pas échaudé et je me suis lancée dans la Fileuse d'argent sans le moindre a priori.

La Fileuse d'Argent, Naomi Novik

Editeur : Pygmalion
Collection : Fantasy
Année de parution : 2020
Titre en VO : Spinning Silver
Année de parution en VO : 2018
Nombre de pages : 495

A lire si : 
- Vous aimez les réécritures de contes
- Vous aimez l'hiver

A ne pas lire si : 
- Vous n'aimez pas quand ça prend trop son temps

Présentation de l'éditeur :

Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l'échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite… jusqu'à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son coeur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l'argent en or. Mais, lorsque son talent attire l'attention du roi des Staryk - un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril…

Mon avis

Quand j'ai commencé la Fileuse d'argent, je ne savais pas tout à fait à quel conte j'allais avoir droit. Non parce que bon, la lecture de conte, ça remonte maintenant et je n'ai pas forcément tout lu. De plus, ici, il faut un petit moment pour être sûr. D'ailleurs, j'ai hésité avec la reine des neiges pour le côté hivernal et cruel. Mais je savais que ça ne collait pas avec le titre. Parce que c'est bien lui, avant tout, qui donne le ton (alors que pour Déracinée, ça avait été un peu plus compliqué en fait, vu qu'il y avait plusieurs influences). La fileuse d'argent est donc une réécriture de Rumplestiltskin (le Nain Tracassin en français). Mais ce n'est pas juste ça.

Dans la Fileuse d'argent, nous suivons trois femmes. La première, Miryem, est juive (et c'est important), fille d'un prêteur, elle va le devenir elle aussi pour sauver sa famille. Elle s'y emploie si bien qu'elle se vante de pouvoir transformer l'argent en or (ce qu'elle réussit d'ailleurs à faire à force de travail et de bons investissements). Assez pour qu'un Staryk (un peuple redoutable maitre de l'hiver) ne la remarque, l'enlève et l'épouse. La seconde, Wanda, est une paysanne dont la mère est morte voilà quelques années. Son père, ivrogne invétéré, doit de l'argent à Miryem. Pour payer sa dette, Wanda ira donc travailler pour elle. Mais si tout se passe bien dans la main de Miryem, ce n'est pas le cas chez elle. Ses frères et elle sont battus par leur père jusqu'au jour où ils vont arrêter de se laisser faire. Enfin, la troisième, Irian, est la fille d'un duc. Dans ses veines coulent du sang Staryk, même si dilué. Or, ce sang va lui venir en aide, lorsque son père la mariera au tsar qui porte en son sein un terrible démon. Car Irina est capable de passer d'un monde à l'autre à l'aide de deux artefacts fait avec de l'argent Staryk et une surface réfléchissante…

Bien entendu, les histoires de ses trois femmes sont reliées entre elles pour donner plus de profondeur à l'histoire de Naomi Novik. Toutes les trois cherchent à s'émanciper d'une façon ou d'une autre et y parviennent tant bien que mal. Elles sont intelligentes, savent se servir du peu qu'elles ont, et même si parfois, elles doivent se laisser porter par le courant, elles réussissent à retomber sur leurs pieds d'une manière ou d'une autre et parfois dans la douleur. J'ai beaucoup aimé les trois. Elles sont très différentes les unes des autres, n'ont pas toujours le même objectif mais elles arrivent à se serrer les coudes. Surtout, leurs personnalités différent assez pour les apprécier. Wanda est foncièrement gentille, Miryem a du se forger une carapace pour en arriver où elle est, Irina aussi, mais pas tout à fait de la même manière. D'ailleurs, cela se ressent beaucoup dans la seconde partie du roman, où elles finissent par se rencontrer et malgré un objectif quasi commun, les deux finissent par choisir deux façons bien différentes d'aller de l'avant (j'en ai beaucoup voulu à Irina d'ailleurs durant un moment).

Mais surtout, j'ai aimé, comme pour Déracinée d'ailleurs, l'univers dans lequel nous plonge l'autrice. Nous sommes dans un monde avec de fortes inspirations slaves (d'ailleurs, l'autrice est d'origine lituanienne par son père et polonaise par sa mère). Vous savez que j'aime beaucoup ces ambiances là et je ne suis pas du tout déçue ici. Le roman est froid, hivernal. On y croise des forêts, de petites cabanes mais aussi une montagne de verre et de neige magique. Et puis, à coté de ça, il y a les villes et villages, leurs marchés, et le quartier ou les maisons juives, un peu à l'écart. Un monde un peu à part, craint par beaucoup et pourtant si utiles. Si on ne voit jamais d'actes antisémites dans le roman, on sait que le peuple juif n'est pas forcément bien vu (le roman commence par une fable avec comme victime un prêteur, forcément juif, on parle de pogrom), tout comme ce fut le cas à partir du 17ième siècle. L'autrice passe au dessus de tout cela sans toutefois le rendre transparent et prouve qu'il n'y a pas besoin de faire subir l'antisémitisme pour en faire une héroïne juive (elle a déjà bien assez à faire par ailleurs)(je sens que je m'exprime mal, mais j'avoue commencer à en avoir un peu marre des auteurices qui mettent des personnes de tels ou tels origines/genre/orientation juste pour pouvoir y coller systématiquement racisme, phobie et autres, et que ça, c'était surtout ça en fait).

Au final, donc, j'ai beaucoup aimé ma lecture. Enfin, une fois bien lancée dedans. Parce que le roman a un petit défaut pour moi (qui n'est pas le nombre de point de vue à partir de la seconde partie pas toujours évident pour savoir qui parle) : quelques lenteurs. Elles sont là surtout pour permettre aux lecteurs d'appréhender l'univers et le folklore allant avec mais elles sont bien là. Le début en devient parfois un peu laborieux. Mais une fois passée les présentations des trois personnages principaux, j'ai été complétement happé par ce qu'il se passe. Et j'avoue que j'espère que Novik réécrira d'autres contes parce que j'apprécie beaucoup la manière dont elle le fait.



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