Je me lance enfin dans la partie que je ne connais pas de Terremer avec Tehanu. Les trois prochains livres ont été écrit près de dix huit ans après l'Ultime Rivage. Si Tehanu reste dans la continuité des trois premiers tomes, on sent évidement l'évolution de l'autrice, que se soit dans son art de conteuse ou dans ses idéaux.
Tehanu, Intégrale de Terremer, Ursula K. LeGuin
Editeur : Le livre de poche
Collection : /
Année de parution : 2018
titre en VO : Earthsea
Année de parution en VO : entre 1964 et 2001, plus précisément 1990 pour Tehanu
Nombre de pages : 1800
A lire si
- Vous aimez la fantasy avec magie et dragon
- Vous ne voulez pas de violence
A ne pas lire si
- Vous vous attendez à quelque chose d'ultra violent
- Vous n'aimez pas les récits initiatiques
Présentation de l'éditeur :
Terremer est un lieu magique et ensorcelé. Une mer immense recouverte d’un chapelet d’îles où les sorciers pratiquent la magie selon des règles très strictes. On y suit les aventures de Ged, un éleveur de chèvres qui, au terme d’une longue initiation, deviendra l’Archimage le plus puissant de Terremer, mais aussi celles de Tenar, haute prêtresse du temple des Innommables de l’île d'Atuan, de Tehanu, la fille-dragon, et de Aulne le sorcier qui refait chaque nuit le même rêve terrifiant. Autour de la grande histoire gravitent des contes qui enrichissent et explorent ce monde où enchanteurs et dragons se côtoient.
Mon avis
Suite à l'Ultime Rivage, Ursula K. LeGuin pensait déjà écrire un dernier tome pour Terremer. Elle voulait, déjà, revoir Tenar et lui offrir une histoire, une suite, savoir ce qu'elle devenait. Mais, elle n'a pu le faire de suite (c'est expliqué dans la postface de ce tome dans l'intégrale). Il faudra donc attendre dix-huit ans pour qu'elle réussisse enfin à écrire sur Tenar, à lui offrir une histoire rien qu'à elle. Pour le lecteur de notre époque, c'est assez transparent. Tehanu commence alors que Ged et Arren ne sont pas encore arrivés à Selidor. Cela fait vingt-cinq ans par contre que Tenar et Ged se sont enfuis des Tombeaux d'Atuan. Durant ces deux décennies, Tenar a été élève d'Ogion avant de se marier avec Silex, un fermier de Gont, d'avoir deux enfants et de devenir veuve. Elle a décidé de vivre une vie où la magie telle que la pratique Ged et les mages n'existent pas.
Le roman commence un peu avant la fin de l'Ultime Rivage. Tenar, qui vit à présent à Gont et qui est devenue veuve, recueille Therru, une fillette mutilée et violée par ses parents. Peu après cela, elles vont toutes deux se rendre au chevet d'Ogion, mourant. Lorsque celui-ci disparaît, elles vont vivre un moment chez lui. Tenar a bien fait, elle retrouve ainsi Ged, bien fatigué suite à ses aventures. C'est marrant, en essayant de vous résumer le roman, j'ai envie de tout vous raconter et je me rends compte, surtout qu'il se passe beaucoup de chose sans même que l'on s'en rende compte. Là où je trouve cela amusant, c'est qu'il y a peu d'action comme on pourrait l'attendre d'un livre de fantasy.
Tehanu est un roman du quotidien. Il semble ne pas s'y passer grand chose sur le coup. C'est une impression, juste une impression. Effectivement, on trouve moins d'action dans ce tome (déjà que dans les autres, c'était plutôt calme). Pourtant, on ne s'ennuie pas à lire Tehanu. Il y a bien sûr le talent de conteuse de madame Le Guin. Je n'en dirais jamais assez de bien. Il y a de la magie dans les mots de l'autrice. C'est tellement agréable à lire que je ne m'en lasse pas. Ici, cette magie est mise en oeuvre pour parler de chose simple, de la vie, de l'ordinaire et puis parfois, elle va nous entraîner loin, que se soit dans les joies ou les peines des personnages.
C'est aussi un roman d'apprentissage mais pas vraiment du genre initiatique comme on a pu déjà le voir dans les trois premier tomes. Tenar y apprend à être femme pour et par elle-même. Il n'y a plus d'homme autour d'elle au moment où commence l'histoire. Son mari est décédé, Ogion ne va pas tarder à passer le muret, Ged a disparu de sa vie depuis longtemps, son fils est parti. Seule, elle se redécouvre. Elle apprend aussi à découvrir Therru, à apprivoiser l'enfant. Celle-ci n'est pas en reste. Therru est le personnage central de l'histoire sans que l'on s'en rende réellement compte. On la voit grandir, apprendre à faire confiance, à se faire confiance aussi. Et puis, il y a Ged. Entouré de toutes les femmes du roman, on en viendrait presque à l'oublier. Mais lui aussi, doit apprendre. Il doit apprendre à vivre comme un homme ordinaire, sans pouvoir, sans magie. Bien que moins présent que d'habitude, lui aussi à son importance. D'ailleurs, c'est lui qui marque aussi d'une certaine manière le changement dans la série. Car changement il y a. Un changement amorcé par l'Ultime Rivage et les défauts dans la magie. Où cela va mener, nous le serrons surement plus tard. Pour l'instant, nous en voyons surtout les prémices dans Tehanu.
Enfin, c'est un roman de femmes, écrit par une femme. Et ça, ça a son importance. Ursula K Le Guin avait déjà prouvé dans les années 70 qu'elle pouvait mettre à bas les stéréotypes de la fantasy (et de la littérature en général) avec des personnages de couleur en protagoniste. Je rappelle que Ged et les habitants de Terremer sont pour la plupart des gens de couleur. Seuls les Kargues (de ce que l'on voit comme peuple) sont blancs. Cette fois, au début des 90's, elle rebouscule tout ça avec des femmes comme protagonistes principales du roman. C'est encore rare à l'époque. Peut-être est-ce d'ailleurs pour cela que le roman a pris rapidement l'étiquette de féministe (que je ne lui renie absolument pas). Or, ça fait du bien de lire ce genre de roman là dans la fantasy (qui est somme toute peu féminine, avouons-le). Les thèmes abordés, la manière de le faire, m'ont énormément parlé. Plusieurs passages m'ont touché, d'autres m'ont bien fait râler aussi, surtout vers la fin (le retour du fils de Tenar, l'opposition avec Tremble, le sorcier du seigneur de Ré Albi). Là dessus, le roman me parait clairement intemporel dans ce combat sur la place des femmes, et finalement, on se trouve avec un discours qui a totalement sa place dans notre propre quotidien.
Au final, Tehanu m'a marqué. Je dis ça de presque tous les livres de Terremer, mais peut-être celui-ci un peu plus. Il est formidablement conté et terriblement intemporel. Je me suis tellement à Tenar et Therru que j'ai eu du mal à les quitter. Le roman est merveilleux en bien des sens. Il a ce côté conte de fée qui plait à beaucoup tout en gardant en tête que le monde n'est pas tout beau et plein de paillettes et qu'il peut être dangereux. Pour moi, c'est bien plus que de la fantasy féministe. C'est un roman précieux, à lire et à chérir, à garder à l'esprit, tout le temps.
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