Si c'est ma tante qui m'a conseillé de lire Inio Asano, c'est son époux, mon oncle, qui m'a conseillé Natsuo Kirino. C'est d'ailleurs amusant que je lise les deux œuvres en même temps. Et donc, me voilà à découvrir le thriller à la japonaise avec ce livre.
Monstrueux, Natsuo Kirino
Editeur : Points
Collection : Thriller
Année de parution : 2009
Titre en VO : Grotesque (titre en fait de la version traduite en anglais)(je ne sais pas mettre les caractères japonais et impossible de les trouver sur le net)
Année de parution en VO : 2003
Nombre de pages : 716
A lire si :
- Vous voulez un récit polyphonique
- Vous vous interessez au système éducatif japonais et à certaines de ses conséquences
- Vous ne voulez pas du sanglant
A ne pas lire si :
- Vous voulez quelque chose qui fasse peur ou frisonner
- Vous aimez les personnages qui ne se lamentent pas.
Présentation de l'éditeur :
Ma sœur Yuriko était un monstre. Une beauté époustouflante, anormale.
Elle nous méprisait, ma mère et moi. Seuls les hommes l'intéressaient.
Quand elle avait quinze ans, le lycée de Tokyo tout entier lui est passé
dessus. Elle pensait réussir grâce à son corps. Son cadavre a été
retrouvé dans un meublé crasseux. Aujourd'hui, on me demande de
témoigner...
Mon avis :
Il y a des livres où on a du mal à entrer mais où une fois que c'est fait, on a du mal à les lâcher. C'est ce qu'il s'est passé pour moi avec Monstrueux. Les premiers chapitres ont été durs. Parce que j'ai eu beaucoup de mal avec la narratrice, et puis, d'un coup, j'ai eu de plus en plus de mal à m'arrêter de lire le soir.
Monstreux est l'histoire du meurtre de deux prostituées, Yuriko et Kazue. Enfin non, c'est l'histoire de ces femmes ainsi que de celle de la sœur de l'une (et ancienne camarade d'école de l'autre), du tueur et de quelques personnes qui ont gravité autour à un moment où un autre. Si le meurtre est le début, il n'est pas non plus l’élément central du livre. D'ailleurs, on finirait presque par l'oublier. Kirino va se concentrer sur ce qui a pu amener les personnages à devenir ce qu'ils sont, de leur enfance à après les meurtres. Elle va se concentrer d'abord sur la personne qui a connu les deux femmes, à savoir la sœur de la première victime (la narratrice dont nous ne connaîtrons jamais ni le nom ni le prénom), puis nous aurons des passages des journaux intimes de Yuriko et de Kazue, un de l'assassin ainsi que, grâce à la sœur de Yuriko quelques moments de la vie d'autres personnes connaissant les deux prostituées. Le tout va essayer de montrer que finalement, tous semblaient destiné à ce qui leur arrive et cela depuis le lycée.
Car finalement, le sujet du livre est bien là. Les filles (la narratrice, sa soeur Yuriko et Kazue) ont toutes fait leurs années de lycée dans le prestigieux lycée de K., établissement plus que renommé, et c'est ce passage-là qui va forger les femmes qu'elles seront par la suite. Car les lycéennes forment diverses castes entre celles qui ont intégré le système K dès la maternelle et celles qui arrivent juste. Du coup, pour survivre au lycée, les filles doivent faire tout ce qui est possible. Yuriko profitera de sa beauté exceptionnelle, dû à son métissage, et commencera sa carrière d'escort girl, Kazue essayera d'être la meilleure en tout et la narratrice finira par donner l'impression de se détacher de tout cela. Petit à petit, leurs défauts vont s’agrandir pour devenir ce qu'elles sont. Mais ce n'est pas tout, le livre est aussi une critique de la vie professionnelle au japon, suite logique de celle à l'école. La dominance masculine se fait ressentir, plus particulièrement avec le travail de Kazue et on finit par comprendre ce qui va amener toutes ses personnes au drame final, le meurtre de deux d'entre elles.
Pour se faire, Kirino nous donne à lire des personnages tous très différent. D'abord la narratrice, qui, je l'avoue, m'a plutôt saoulé. Toujours en compétition avec sa sœur cadette, elle va finir par n'aimer rien ni personne, pas même elle. Aigrie dès le départ, jalouse de toute ce qui ne tourne pas autour d'elle, j'ai eu envie de lui foutre quelques baffes. Sans parler de ses années lycées où elle devient finalement la tortionnaire de Kazue pour voir jusqu'où sa naïveté peut l’entrainer. Puis, nous allons découvrir Yuriko à travers son journal. Yuriko à la beauté parfaite, Yuriko qui ne peut se passer des hommes et du sexe, et cela depuis l'entrée à l'adolescence. On découvre une femme emprisonnée par la façon dont les autres, surtout les hommes, la voit. Elle en est parfaitement consciente et s'en sert. C'est un personnage déjà plus compliqué que sa sœur et qu'on a réellement envie de prendre en pitié. Ensuite, il y a Zhang, le tueur. On va découvrir sa vie en Chine, la raison de sa venu au Japon et les rencontres qu'il aura avec les deux prostituées. J'avoue qu'à lui aussi je lui aurais bien foutu des baffes tant il apitoie durant une bonne partie de son récit. Et enfin, il y a Kazue. C'est le personnage le plus intéressant pour moi. Alors que jusque là, on pouvait la voir comme une pauvre fille bien naïve (vision de la narratrice), elle est en fait finalement bien plus. Elle a conscience de la dominance masculine, du fait qu'elle ne pourra pas aller plus haut que son poste dans son entreprise. Sa double vie est là pour la rassurer, lui montrer qu'elle peut manipuler les hommes, du moins, c'est ce qu'elle pense. Petit à petit, on comprend la femme et ses doutes, on comprend qui elle est et elle est complexe. J'ai aimé lire ses passages, bien plus intéressante que les autres. Mais il n'y a pas qu'eux quatre. On découvre aussi Mitsuru, ancienne camarade des trois femmes, qui a sombré dans le fanatisme religieux, rejoint une secte dont le système finalement ressemble à s'y m'apprendre à celui de K, on découvre alors une femme meurtri qui a commis des crimes atroces, une femme lucide aussi sur le pourquoi. Il y a Takashi, l'ancien mac de Yuriko alors qu'elle était au lycée et qui a continué sur cette voie.
Monstrueux est donc plus une critique des débordements dut à cette partie du système éducatif japonais (attention, je ne dis pas que tout le système éducatif japonais est comme ça, hein) et de ce qui en découle finalement pour les personnes qui s'y frotte. Comme je le disais, si les meurtres sont le point de départ de l'histoire, ils n'en sont pas la finalité. On finit réellement par les oublier pour se pencher sur la psychologie des personnages. D'ailleurs, si l'on sait que Zhang a bien assassiné Yuriko, on n'est toujours pas sur qu'il est fait de même avec Kazue à la fin. Le tout est porté par une écriture plaisante (bon après, je le lis donc en français qui a été traduit de l'anglais, lui-même traduit du japonais, j'ai peut-être perdu quelques subtilités entre temps) et efficace.
Au final, Monstrueux est un très bon livre, pas vraiment un thriller en lui-même, même s'il est classé dans ce genre-là, plus quelque chose de très psychologique. J'ai finalement adoré me plonger dedans, malgré la narratrice principale. Bref, il est vraiment à lire.
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