vendredi 5 juin 2020

Les Sorcières de la République, Chloé Delaume

J'avais très très envie de lire ce bouquin depuis quelques temps. Ça devait bien faire deux ans qu'il était dans ma Wishlist. Je trouvais l'idée d'une uchronie où des sorcières avaient gagné les élections présidentielles puis avaient fait quelque chose de si horrible dans la tête des français que leur mémoire avaient été effacé juste géniale. Je ne m'attendais pas à ce que j'ai pu lire. Et j'ai adoré (à tel point que j'ai déjà un nouveau Delaume dans la PAL)

Les Sorcières de la République, Chloé Delaume

Editeur : Points
Collection : 
Année de parution : 2019
Nombre de pages : 384

A lire si :
- Vous aimez être un peu chamboulé
- Vous aimez les uchronies
- Vous voulez un texte féministe

A ne pas lire si :
- Vous voulez un texte assez linéaire
- Vous n'aimez pas les sorcières ou la mythologie

Présentation de l'éditeur :

En 2020, la France choisit l’amnésie collective. Les trois années écoulées sont effacées des mémoires : la prise de pouvoir du Parti du Cercle, émanation d’une secte féminisme, la contre-attaque des femmes invisibles après des millénaires de domination masculine. Quarante-deux plus tard s’ouvre le procès de la fondatrice du Parti. Les Français vont enfin connaître la vérité sur le Grand Blanc…

Mon avis

J'ai découvert l'existence de ce texte en 2017 ou 2018 dans une liste de livre féministe à lire. Je l'ai mis dans ma wishlist rapidement et puis, comme souvent, j'ai fini par oublier qu'il s'y trouvait vu que je ne le trouvais pas chez ma libraire (et que ma wishlist fait des kilomètres de longs). Et puis, il est sorti en poche, et il faut avouer qu'on ne peut pas le rater avec sa couverture aux couleurs pop. Ca n'a pas raté, il était là, un peu avant le confinement chez ma libraire. Je l'ai vu, je l'ai pris et puis avec le confinement, j'ai eu envie de chose moins "politique" à lire. Le déconfinement est arrivé, j'ai lu de la fantasy pendant un mois, c'était le moment. 

Je m'attendais à beaucoup de chose, mais pas vraiment à la forme du roman. Nous voici en plein Live. Celui du procès de la Sybille, l'une des figures du parti du Cercle, âgée de quelques 2900 ans. Elle est la seule survivante du Parti du Cercle (ou la seule qu'on est réussit à retrouver), qui a prit le pouvoir à la suite des élections présidentielles de 2017. Le dit parti a été au pouvoir durant trois ans, trois ans dont on ne sait plus rien. En 2020, après un référendum (sans la moindre abstention), les français ont voté pour le Grand Blanc, une amnésie collective. En 2062, date du procès, la question qui est sur toutes les lèvres reste "qu'est-ce qu'il a pu se passer". Et la Sybille est la seule à pouvoir y répondre.

On commence donc par la forme du roman. Comme je le disais, nous voici en plein live, comme si nous y étions (ou presque). Le procès dure une semaine, quasi 24h/24. Ainsi, outre le témoignage de la Sybille, nous avons aussi des passages de la présentatrice de Canal National qui nous permette de découvrir le monde de 2063. Un monde où la publicité a pris place absolument partout, où le français est plus patriotique que jamais. Un monde où la greffière est une égérie mode, ou l'on n'hésite pas à commenter les tenues des uns et des autres, où tout est ramené à son pays, où le président est adulé (et peut se présenter au premier tour après avoir eu 5000 likes sur les réseaux)... Cette vision futuriste de la France parait plutôt juste. Après tout, vu comment les réseaux sociaux prennent de l'importance dans nos vies, ça pourrait fort bien arriver. Pire encore, ce genre de dérive ne m'a pas beaucoup perturber, pour dire à quel point ça s'ancre pas mal dans les tendances contemporaines. Seule dérive de cette VIIième République gênante pour moi, que l'Etat puisse nous dire ce qu'on doit faire et que l'on soit puni si on ne le fait pas. La France d'après le Grand Blanc a quelque chose de trop autoritaire à mon gout, surtout que c'est bien caché derrière de beaux discours publicitaire. 

Et dans tout ça, on a donc le témoignage de la Sybille qui commence avec l'histoire du parti du Cercle. Et plus précisément la naissance du Premier Cercle, un peu avant ce qui aurait dut être l'apocalypse de 2012. Ce jour-là, les Déesses Grecques prennent leur indépendance. Elles reviennent sur le devant de la scène après s'être débarrassées de Zeus frères & fils. Après des millénaires à avoir été flouée, oubliée, jetée aux orties, elles ont bien l'intention de se faire à nouveau entendre. Et grâce à la Sybille, capable de voir l'avenir, elles vont arriver en France pour ce faire. Pour moi, chaque déesse représente une facette du féminisme. Elles se battent chacune pour une cause, se ressemblant ensemble lorsqu'il y a besoin (et se prenant la tête régulièrement aussi entre elles). Avec elles, l'autrice fait passer son message. Un message sur le besoin croissant d'une vraie sororité (sujet de son essai Mes biens chères sœurs que j'ai très hâte de sortir de ma PAL), que le féminisme est pluriel et intersectionnel. Et ça fonctionne dans le roman. Ça fonctionne même trop bien, en réalité. Les femmes se libèrent de l'emprise masculine. Elles cassent leurs chaines, se libèrent. Mais on ne sort pas indemne de siècles d'emprise patriarcale.  Alors, on peut penser que le côté féministe du livre est plutôt étrange. Merde alors, les femmes n'ont été aux pouvoirs que trois ans et en plus de ça, soixante piges plus tard, c'est encore pire côté patriarcat, ultra nationalisme et couverture médiatique. Ce serait ne pas avoir lu le livre, ne pas avoir vu la critique en dessous. Ce livre est bien une critique du patriarcat, des médias, du système politique français (et pas que français d'ailleurs). Cela se ressent particulièrement lorsqu'on découvre enfin le pourquoi du Grand Blanc et dans le dénouement du livre. 

Autre chose avant de finir, parlons un peu du style. J'ai adoré l'écriture de Chloé Delaume. J'ai adoré qu'elle mélange politique et pop culture comme elle l'a fait. J'ai surtout apprécié retrouver des références que je maîtrise (Buffy est souvent cité, mais on retrouve Indochine aussi par exemple, Katniss Everdeen). C'est appréciable d'avoir des romans aux thèmes assez lourd et violent avec un langage plus léger. Le décalage est intéressant et rend la lecture moins lourde, plus facile (je pense surtout à l'échange mail entre Jesus et Artémis durant le mariage pour tous qui est juste généralissime). 

Pour finir, j'ai beaucoup aimé ma lecture, vous vous en doutez. J'ai aimé le divertissement et plus encore le discours derrière. La critique est bien amenée, l'uchronie encore plus. J'ai apprécié le mélange féministe intersectionel et sorcellerie (il est dommage peut-être de ne pas les avoir encore plus lié). C'est un livre à découvrir et à mettre entre pas mal de mains.

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